Avec les
jeunes formés de ma communauté, j’ai passé cette fin de semaine sur un site
exceptionnel. En pleine savane très boisée, à quelques dizaines de kilomètres
au sud-ouest tant de ma Colline que de la ville de Kananga se trouve Kabwue, un
mythe de l’histoire du Congo, un concentré d’architectures missionnaires belges
de la meilleure facture. Qui, s’il se trouvait entre Bruxelles et Liège, serait
inscrit depuis des lustres au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Sur 5 km2
environ se concentrent 4 complexes architecturaux de premier ordre : deux
grands et deux plus petits, tous faits de briques cuites agencées, de bois et
des tuiles ocres du meilleur effet.
D’abord
deux séminaires - un petit séminaire style collège catholique, un grand
séminaire de philosophie pour futurs prêtres – dont les bâtiments (maison des
étudiants, des professeurs, auditoires, musées, théâtres...) se déploient autour de deux immenses cours aux
allées cruciformes orientées vers des églises néo-ogivales ou néo-romanes. Puis
un Carmel (aujourd’hui les carmélites se sont déplacées en ville et leur
monastère est devenu une propédeutique de théologie) et aussi une Mission paroissiale
avec église, presbytère, maison des sœurs, école et centre de santé...
Tous ces
complexes ont été construit en 10 ans entre 1927 et 1938, à l’apogée de la
présence coloniale et missionnaire belge au Congo. Kabwe était connu dans toute
la colonie et d’illustres personnalités (dont le premier président Kasavubu) y
ont étudié.
Donc si
Kabwe se trouvait en Brabant plutôt qu’au centre de l’Afrique on aurait tout à
parié que ces merveilles architecturales seraient reconnues mondialement par l’UNESCO,
mais seraient vides (de séminaristes en tout cas) alors qu’aujourd’hui, il y a
80 grands séminaristes, autant de petits séminaristes et 27 propédeutes... dans
des bâtiments magnifiques mais qui tombent en ruines.
C’est une
tragédie. Dans un pays qui s’effondre dans le marasme économique et politique,
qui se préoccupe de culture et de patrimoine ? Et, un à un, les
magnifiques bâtiments de Kabwe voient leurs voûtes de millions de briques se
fissurer, s’effondrer sous le poids de leurs toits trop lourds de millions de
tuiles. Il y a trois ans les sœurs de la Mission ont quitté le vénérable
couvent à véranda ocre, devenu trop dangereux, pour une petite maison qui à côté
de sa compagne décrépite a des allures de cabane de jardin !
Cela pose
une réelle question sur les politiques culturelles au niveau mondial (UNESCO).
Y-t-il à ce niveau une véritable égalité de chance pour tout le patrimoine culturel
de l’humanité ? Et au niveau international, que dire ? Les relations
entre la Belgique et la RD-Congo sont actuellement tellement exécrables, les
débats sur la colonisation tellement empoisonnés qu’on ne voit pas comment
sauver les voûtes flamandes de la brousse congolaise.
Et Kabwe,
lentement mais sûrement, tout en étant habité par 200 jeunes motivés, entourés
d’une population tout aussi juvénile, voit s’enfoncer dans la verdure sa
magnifique décrépitude.
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