lundi 28 septembre 2015

les toiles d'araignées

Eglise Saint-Pierre, Coutances, Normandie
S’il est un art chrétien qui supporte bien la modernité, c’est bien celui des vitraux. Lorsqu’ils sont simples, audacieux et modernes, comme ceux de Soulages à Sainte-Foy de Conques ou ceux de Brian Clark à la Fille-Dieu de Romont, ils donnent des émotions qui aident vraiment à prier...
Pendant mes vacances je visite la petite ville de Coutances en Normandie, que domine « la première belle cathédrale depuis Chartres », écrivait en chemin Victor Hugo à sa femme ! Coutances recèle aussi deux belles églises gothiques du 15e siècle, dont Saint-Pierre qui attire mon attention.
Les vitraux semblent très modernes : dans des vitres transparentes qui laissent vibrer le ciel, les arbres et les maisons environnantes, de fins dessins en nervures très délicates donnent à l’ensemble une impression de légerté et d’humilité. Très beau.
Je m’approche et m’aperçois que ce ne sont pas des vitraux mais de simples vitres, en grandes parties brisées et rafistolées à qui mieux mieux, avec des restes de toiles d’araignées qui s’inscrustent dans les fentes.
Mais je ne peux pas m’empêcher de trouver cela très beau.
Si le Seigneur, maître de l’art et du hasard, réussit avec sa finesse de goût habituelle à faire de beaux vitraux avec du verre brisé et des toiles d’araignées, peut-être arrivera-t-il à faire quelque chose des brisures et des poussières de nos propres vies. 
Ma visite de Saint-Pierre de Coutances a été un bon moment de contemplation et de méditation.

 
Eglise Saint-Pierre, Coutances, Normandie


Cathédrale, Coutances, Normandie

Cathédrale, Coutances, Normandie

lundi 14 septembre 2015

l'invasion musulmane

Pourquoi ce tumulte des nations,
ce vain murmure des peuples ?
Les rois de la terre se dressent,
Les grands se liguent entre eux contre...
(Psaume 2)

Derrière l’afflux des réfugiés venant de Syrie, mais aussi d'Afrique et d'ailleurs, se dessine - subtilement (ou pas) - la peur d’une invasion musulmane dans notre vieille Europe.

C’est ici qu’un regard oblique est utile. Car ces réfugiés, avant d’être des musulmans ou des chrétiens, avant d’être des gens qu’il faudrait trier, sont des êtres humains en souffrance et en errance, et qu’il faut au nom des valeurs de la vieille Europe savoir écouter et accueillir.

Mais le véritable problème que pose la peur de l’invasion musulmane est surtout ailleurs. Pas du côté des arrivants, plutôt du côté des gens qui les voient arriver. C’est surtout une population jeune qui arrive, une population qui a des envies, du ressort et du courage... avant d’avoir un sabre musulman en main. Que trouve-t-elle en face ? Une population qui a perdu ses idéaux, qui est engluée dans le confort, l’égoïsme et la mollesse, une population qui se plaint quand il manque une marque de chocolat  ou de shampoing sur les 30 du rayon au supermarché, une population qui se plaint quand il y a deux minutes d’embouteillage au centre ville à cause de travaux...

L’Europe s’est construite sur deux dynamiques contradictoires et interpénétrées : les valeurs chrétiennes et leurs contestations positives par le laïcisme libéral. Ce sont deux voies qui avec leurs forces et leurs faiblesses, dans leur tiraillement et leur émulation, ont fait l’Europe, jusqu’à hier. Or que voit-on aujourd’hui ? Des valeurs et une culture chrétiennes passées dans les oubliettes ou les musées... et les valeurs des républiques laïques que tout le monde bafoue ou, à la limite, dont on se moque. Liberté, égalité, fraternité ne sont plus que des ombres dans le monde ultralibéral européen...

Il y a un vide à remplir. Si nous ne les remplissons pas avec les valeurs de saint Augustin, de saint François d’Assise, de Victor Hugo ou d’Emile Zola, le pire sera à venir. Et ce ne sera pas la faute au sabre musulman.


mercredi 9 septembre 2015

les couloirs

L’abbaye bénédictine du Bec-Helluin en Normandie est magnifique malgré l’absence remarquée et remarquable de son église abbatiale, détruite par quelques aléas des temps, par la Révolution et par Napoléon. On admire sa gigantesque absence entre des bâtiments conventuels majestueux (pour la plupart du 18e siècle) et une tour médiévale immense, plantée au milieu des jardins.

Où se trouve donc l’église actuelle des moines ? Il faut la chercher un peu en contournant les bâtiments. C’est en fait l’ancien réfectoire, mais cela paraît plutôt un très long et impressionnant couloir avec arcades en plein cintre, très sobres dans une belle pierre beige clair et chaude.

La longueur du couloir, avec tout au fond un crucifix simple qui déverse sa présence lumineuse sur les stalles des moines puis les bancs de fidèles m’a fait penser à un fleuve qui court dans les flots de l’histoire ; l’histoire du christianisme européen (l’Abbaye du Bec a donné des saints et de grands évêques d’Angleterre, Anselme et Augustin) ; et aussi nos histoires personnelles, eaux bouillonnantes ou eaux croupissantes suivant les jours...

Oui dans l’église du Bec-Helluin, on se sent comme dans un Jourdain, dans un fleuve sacré !

Et pour la première fois j’ai fait le lien étymologique entre couler et couloir ! Autant que ce soit dans une belle église où coulent les flots de grâce qui viennent contrarier les médiocrités ordinaires. Désormais pour moi le mot couloir aura une certaine noblesse.