lundi 16 juillet 2018

les églises pendant les vacances

Le monsieur s’est mis au centre du rond dessiné sur le sol de l’église par un beau marbre brun. Il a respiré profondément. Il a mis ses avant-bras en avant, il a joint trois doigts de chaque main et les a dirigés vers le haut. Il a fermé les yeux et bougé ses lèvres dans une prière très secrète. Sans doute croit-il aux ondes spirituelles qui montent du sol depuis si longtemps ou descendent de la grande mosaïque octogonale du plafond : trois par côté, les 24 Anciens de l’Apocalypse jettent leur couronne vers le Christ et son trône.  

Je suis assis sur une chaise pas très loin de lui ; je prie à ma manière à moi, tout en regardant ce qui se passe autour de ce pèlerin new age qui prie à sa manière à lui... Il ne me paraît pas le plus dangereux de ce petit monde. D’autres semblent n’avoir même pas compris qu’ils se trouvaient dans un des lieux les plus « magiques » de l’Occident, parlent de tout et de rien, et tout haut, ne s’arrêtent que pour régler le mode photo de leur téléphone portable.

Je suis dans la chapelle palatine de la cathédrale d’Aix-la-Chapelle. Depuis 1200 ans, depuis que Charlemagne, couronné par le pape à Rome, a bâti cette merveille octogonale toute de marbre et d’orientales mosaïques, elle a dû en recevoir des visiteurs ! Ceux de ce siècle sont-ils pires que ceux qui dans leur crasse d’autres siècles venaient y faire une pause en allant vers Compostelle ou vers leurs affaires ? Charlemagne me le dira lorsque nous nous rencontrerons devant le Christ en Gloire.

mardi 10 juillet 2018

les migrants et les contradictions d'une droite dure!




En parlant de droite dure, je ne pointe pas particulièrement un parti politique mais un état d’esprit qui manque singulièrement de largeur de vue et grandeur d’âme sur les sujets sensibles qui occupent la Suisse et le continent européen.
Je parle depuis ma position propre : je suis prêtre et je travaille 7 mois par année en République « démocratique » du Congo, un pays à la dérive au point de vue politique et économique, et 5 mois à la cure paroissiale de Saint-Maurice où je vis avec une famille de réfugiés érythréens.
Il faut le dire clairement il n’est pas souhaitable ni tolérable que des milliers de migrants s’enlisent sur les routes maritimes ou terrestres de l’Europe. Ces gens doivent pouvoir rester chez eux et y vivre une vie digne et décente. Pour une certaine philosophie, issue tant de l’Evangile que des Lumières, chaque humain doit se sentir responsable de tous les autres : cela implique de la lucidité sur la situation de certaines parts d’humanité en énormes souffrances tant matérielles que psychologiques et spirituelles. 
Ma famille de réfugiés de la cure de Saint-Maurice a souffert du contexte surmilitarisé de l’Erythrée d’aujourd’hui qui n’offre nulle autre perspective que des casernes ! Mes paroissiens du Congo peinent à sortir des conséquences de la guerre civile de 2017 qui a laissé les populations exsangues, vivant aujourd’hui dans la malnutrition avec moins d’un dollar par jour !
A cela s’ajoute une démographie en Afrique subsaharienne qui déjoue toutes les prévisions et croît de façon exponentielle. Ce ne sont pas les théories morales ou hygiénistes, qui enrayeront la courbe mais le développement. Dès que les familles vivent mieux, le nombre d’enfants décroît. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Si nous voulons que ces populations restent chez eux, et c’est très souhaitable pour tous, il faut impérativement mettre au point des politiques de développement, de solidarité et de lutte contre les malgouvernances. 
Or les signaux politiques vont à l’inverse. Récemment notre ministre des affaires étrangères proposait d’assouplir les règles de vente d’armes aux pays en guerre civile (pour ne pas mettre en péril des emplois). De plus nos autorités préfèrent se mettre du côté des multinationales qui pillent, violentent les pays du Sud et les maintiennent dans le sous-développement. Graves manques de largeur de vue ! Ou alors cynisme sans fond. 
Il est pourtant facile, même avec une pointe de cynisme, de comprendre que si tout l’argent (toujours plus) dépensé à accueillir et à débouter les réfugiés était dépensé pour investir dans les pays du Sud et  dans la lutte contre les mafias militaires, économiques et politiques, tout le monde y gagnerait.  Certains pays d’Europe commencent à réfléchir dans cette direction ; la Suisse accroîtrait son influence si elle était dans le peloton de tête de ce mouvement. De plus une telle vision s’apparente à la pensée du Pape telle qu’il l’a exprimée notamment dans l’avion au retour de Genève.
Sans un changement de vision, dans peu d’années ce seront des centaines d’Aquarius qui voudront accoster en Europe. Les forteresses tenues par des petits tomberont sous des assaillants trop nombreux ! Essayons d’être grands. 


mardi 3 juillet 2018

les grands mamans

Mes photos de mamans et de papas avec enfants n’ont pas seulement du succès sur Facebook et mes blogs, mais suscitent un engouement étonnant parmi mes paroissiens.
Les séances photographiques ont lieu après la messe (ici les habits du dimanche ont encore tout leur sens) devant le mur blanc et rose de la cour intérieure de notre mission. Au début j’y invitais quelques dames particulièrement typées tenant des bébés soit rigolos soit mignons... Elles se prêtaient au jeu et, quand je pouvais, je leur donnais la carte (la photo papier) qui les réjouissait et qu’elles montraient à leurs copines. Je n’avais plus besoin de choisir mes candidates. Elles venaient d’elles-mêmes ; à la messe, la qualité des habits s’améliorait de dimanche en dimanche...
Puis, fervent partisan de l’égalité des sexes, j’ai accueilli quelques papas, même s’ils étaient un peu empruntés pour tenir leur rejeton dans les bras. 
Puis le succès a fait déraper l’entreprise : pour avoir des photos d’eux, certaines mamans, grands-mamans, papas et grands papas, réquisitionnaient des enfants manu militari et les exhibaient comme leurs devant mon objectif. Je m’en suis aperçu quand un célibataire officiel et endurci vint avec un bambin que j’avais déjà vu dans plusieurs autres paires de bras. 
Je ne pouvais plus gérer seul l’affaire. J’ai eu besoin d’un assistant qui m’assurait des liens de parenté entre l’adulte et l’enfant, et m’indiquait par exemple s’il s’agissait d’une maman ou d’une grand-maman, car ici certaines grands-mamans sont mamans de tout petits... 
Il faudra prochainement instaurer un système de fiche d’autant plus que certains et certaines veulent passer plusieurs fois car ils trouvent que lors de leur première séance ils n’étaient pas assez bien habillés !

Voici donc une série de grands-mamans.