samedi 30 juillet 2016

l'année scolaire congolaise

J’avais relaté dans mes derniers posts quelques péripéties de la fin de l’année scolaire au Congo. Voici l’épilogue.

Les résultats des examens d’état (baccalauréat congolais) sont tombés, avec une semaine de retard, le 25 juillet. Il y a eu quelques klaxons joyeux (et des jets de farine sur les visages, manière de fêter une réussite), mais surtout beaucoup de larmes. Cette année, pluie d’échecs. Il semble que le taux de réussite pour le Kasaï est de 20%. Beaucoup d’écoles ont des taux d’échecs de 100%. Sans doute les tricheries officielles et les corruptions noires ou grises étaient-elles trop mal organisées !


Théo que j’avais soutenu et aidé dans les derniers moments de préparation a aussi échoué et reste terré chez lui. Mais ce garçon a des ressources. Il rebondira, nous rebondirons ensemble.

dimanche 24 juillet 2016

Jean-Claude, passager clandestin

Vendredi, nous avons inauguré un petit poste de santé à côté de notre maison communautaire. Ce dispensaire dépend du centre de santé paroissial qui se trouve à 5 km (notre paroisse est longue de 15 km et large de la largeur des abords d’une piste de brousse). Le petit centre permettra aux malades proches de ne pas devoir faire à pied trop de kilomètres.

Nous n’avions pas prévu d’organiser une maternité au poste puisque le centre en a une qui est en train d’être rénovée ! Mais c’est sans compter sur les clins d’yeux du bon Dieu. Hier soir samedi, entre le chapelet et le repas, une dame se présente pour accoucher chez nous car elle savait que le centre était nouveau et elle croyait qu’on avait une maternité... Elle n’était déjà plus capable de faire les 5 km vers la « vraie maternité » et donc nous avons, avec l’aide de l’infirmier, transformer notre poste en salle d’accouchement. Le petit Jean-Claude Katu est né vers 23h30.


Bienvenue chez nous, petit homme, et que ta vie soit douce, ce qui n’est pas gagné d’avance, mais tu t’y es bien pris pour ton entrée en scène !

jeudi 21 juillet 2016

le téléphone et le tarif local


Le téléphone tient une place centrale dans la vie des Congolais. Même les plus miséreux essaient de s’en procurer un, se serrant encore davantage une ceinture déjà très serrée ! Car avoir un téléphone prouve que tout n’est perdu et qu’on est encore dans la course.
Aujourd’hui un de mes amis me raconte les difficultés qu’il a avec son téléphone : mauvaise qualité des appareils chinois vendus en ville, manque récurrent de crédits en minutes d’appels, mauvaise couverture des réseaux locaux, les pièges de la compétition commerciale entre les opérateurs, etc. etc...
Plus tard la conversation dévie sur les difficultés et le stress qu’engendre, elle aussi, la vie en Europe et en Amérique. Il me raconte alors une conversation qu’il avait à ce sujet avec un ami qui se trouve actuellement aux Etats-Unis. Je lui fais remarquer que lui-même et son téléphone ne sont donc pas trop à plaindre puisqu’il peut appeler les Etats-Unis !
Pris au piège, il s’en sort par une pirouette en détournant le cours de notre échange sur cette histoire :
Georges Bush senior et le dictateur congolais Mobutu se retrouvent en enfer. Satan leur permet d’appeler chez eux pour avertir leur famille de leur infernale situation. Bush parle dix minutes et est taxé 100 $. Mobutu parlent 3 heures et est taxé 10 $. Bush s’étonne et se plaint de cette injustice auprès de Satan, qui lui répond : Mais c’est normal. De l’enfer vers le Congo, c’est tarif local !
Heureusement que l’humour vient rafraîchir l’atmosphère.

dimanche 17 juillet 2016

le dollar et la gangrène

Au mois de juin, la Conférence des Evêques du Congo a lancé un projet destiné à développer le micro-crédit dans toutes les régions. Cette initiative, c’est-à-dire la création d’un établissement financier avec agences spécialisées dans le micro-crédit, s’inscrit tout à fait dans les objectifs de l’Eglise Catholique locale, tant le développement du pays repose sur les forces vives et surtout désintéressées (c’est-à-dire dont le premier but n’est pas de se remplir les poches). L’Eglise, même s’il y a quelques couacs et des gaspillages dans la gestion des fonds à disposition, est une force de promotion d’un mieux-être aussi bien au point de vue matériel qu’au point de vue spirituel.

Actuellement, depuis quelques mois, le pouvoir d’achat des Congolais dégringole dangereusement, les taux de change favorisent fortement le dollar face à la monnaie locale et les prix des matières et objets d’usage courant « prennent l’ascenseur » (drôle d’expression pour un pays ou la plupart des habitations n’ont pas d’étages !)

Au ras de ma colline, je me rends compte à quel point le pays est sinistré quand je vois que la plupart de nos paroissiens n’ont aucun argent de côté pour faire face aux « tuiles » de la vie, même les plus petites.

Ce matin, une maman vient présenter sa fillette à la porte de notre maison pour que nous la soignions. Or notre poste de santé, attenant au couvent, va s’ouvrir la semaine prochaine et nous ne pouvons pour le moment la prendre en charge. Nous demandons ce dont souffre la petite, la maman nous montre une immense plaie infectée à la jambe, nous l’invitons aussitôt à aller au dispensaire principal qui se trouve à 5 km. Elle rechigne...
En fait elle n’a pas du tout d’argent et au dispensaire il faut payer ne serait-ce qu’un dollar (1 frs suisse) pour être pris en charge. Même cela semble trop. Ce qu’elle veut c’est qu’on lui donne l’argent ou qu’on soigne sa fille gratuitement.
Nous lui faisons comprendre qu’elle peut apporter du manioc ou du maïs, si elle n’a pas d’argent liquide...
Elle part, avec sa fillette qui pleure...

De mon côté, cela pleure en dedans... Je me demande s’il n’y aurait pas moyen de trouver des solutions de micro-assurances-maladies comme il y a des systèmes de micro-crédits. Des solutions pour inciter les parents à ne pas attendre l’amputation pour faire soigner une plaie infectée de leur enfant... Ce pays est gangréné !


mardi 12 juillet 2016

les citoyennes


Les mots justice et paix sont féminins.

Le groupe « Justice et paix » de l’Eglise catholique congolaise - conformément à son nom et à ses objectifs - est en première ligne pour une politique juste et équitable en RDC. Mais il a du travail, tant la situation électorale est chaotique et difficile ! Va-t-on pouvoir organiser, en novembre et sereinement, les élections présidentielles et législatives que tout le monde appelle fortement de ses vœux. Rien n’est moins sûr mais il ne faut pas baisser les bras.

Dans l’archidiocèse de Kananga, cette commission diocésaine, vient de mettre sur pied une formation destinée à promouvoir l’organisation d’élections libres et à développer le sens civique des catholiques tant en villes que dans les villages de brousse.

Chaque paroisse était appelée à envoyer des paroissiens représentatifs à une journée de formation civique (lundi 11 juillet). Ces représentants auront charge, après la formation, de former à leur tour 400 citoyennes et citoyens de leurs lieux de vie. Voici la proportion demandée des représentants : un tiers d’hommes, un tiers de mamans et un tiers de jeunes filles, donc deux tiers de sexe féminin et ce n’est pas par hasard.

D’une part, la vie des villages du Congo repose fortement sur le sexe le plus fort, c’est-à-dire le féminin ; et donc pour une propagation large des valeurs civiques à la veille des élections les femmes sont en première ligne et c’est tant mieux. D’autre part, il faut combler le déficit de formation des jeunes filles et les rendre conscientes de leur place dans la vie civique et économique. Souvent attirées dans le mariage et la maternité trop tôt, elles sont laissée sur le bord de la route politique et se consacrent à la famille et à l’économie du travail, alors que leur voix devrait se faire entendre et leur situation concrête être prise en compte dans le débat politique.


Dans notre paroisse, on avait donc facilement trouvé les hommes à envoyer, plus difficilement les mamans, et c’était presqu’impossible de dénicher des jeunes filles capables de participer à une telle formation et à s’engager ensuite sur le terrain politique des hameaux. Cette difficulté illustre bien le problème.