dimanche 10 mars 2019

l'Eglise en Carême

De retour vers l’Europe, je fais escale à Kinshasa. Je vais à la messe du premier dimanche de Carême. Sur la route je m’égaie avec les enseignes des boutiques congolaises qui cherchent toujours à flirter un peu avec la religion : Pharmacie LA CONFIANCE (il vaut mieux) ; Vêtements  DIEU SUFFIT (mais une chemise n’est pas de trop, me dis-je)... Et voilà que je tombe sur : STRATEGIE MARANATHA RECENTRAGE. 
« Stratégie » je comprends. L’Apocalypse nous dit que « Maranatha » signifie « Viens Seigneur Jésus ». « Recentrage » me laisse perplexe : quel service offre cette boutique ? Mystère. Je n’ai pas d’indices pour me guider...

Par contre à la paroisse Saint-Alphonse, tout est clair. L’église et l’assemblée de la première messe de 6h30 sont immenses. Le curé et la liturgie recentrent dès le début sur l’essentiel. La grande croix centrale est encensée lentement, tout un cortège d’acolytes de tous âges et des deux sexes entoure le curé et s’incline devant le Christ.

Je pense qu’il n’y a pas d’autre recentrage possible pour un croyant. C’est Jésus qui peut nous sortir de nos sidérations ecclésiales, des vertiges de notre foi et de notre espérance. Et pas n’importe quel Christ, celui qui est cloué sur bois de nos humanités meurtrissantes. Le Christ de l’église Saint-Alphonse est très beau, très africain, très universel, entouré d’une décoration murale de triangles qui pointent vers lui. 

Alors quelle stratégie pour l’Eglise catholique en ces temps difficiles ? STRATEGIE MARANATHA RECENTRAGE. Recentrage pas ailleurs que sur le Christ. 

vendredi 1 mars 2019

les Chinois

Dans ma vie congolaise, je navigue tant bien que mal entre le réalisme cru et mes idéaux. Je crois à la fraternité humaine, à la possibilité de vivre ensemble dans notre « maison commune », que nous soyons blancs, noirs, jaunes ou verts ! J’y crois ou je veux y croire. Mais la réalité est tenace et, ces temps, ma paroisse de la savane est en guerre contre les Chinois. 

En effet ces derniers, avec d’énormes trucks, ont tracé une large piste sur les collines du Kasaï en direction de l’Angola. Etait-ce dans le contrat de départ ?, toujours est-il que pour se faire payer, lesdits Chinois ont installé une barrière sur cette route et rançonnent les gens sans faire de sentiments, même envers ceux qu’ils appellent les « Yesu », les prêtres et religieux qui veulent rejoindre leur paroisse!

Les Congolais, renards, ont trouvé des parades et font désormais des détours par notre colline pour échapper au péril jaune, le péage asiatique. Rétorsion des Chinois : ils ont fait de gros trous dans ces chemins de contournement pour les rendre impraticables, sans se soucier du danger nocturne...

Notre paroisse et nos chefs coutumiers sont en train de lever des troupes de terrassiers pour aller boucher les trous des Chinois et leur mettre la pression pour qu’ils s’en aillent. La tension donc vive dans les relations intercontinentales.  Ainsi j’ose me fâcher quand un enfant empathique, adepte de la même fraternité humaine que moi, me lance lors d’un de mes passages en ville : « Bonjour, Papa Chinois ! ». Tout de même ! fraternel oui, mais jusqu’où ?