mercredi 28 novembre 2018

la pastorale du mariage

En ce samedi, notre Colline congolaise a connu une belle célébration et fête de noces.
Deux couples du village ont demandé à recevoir le sacrement du mariage. Ce qui fut fait dans le sérieux... et la joie. Ce qui pourrait paraître comme une annonce banale (quoique de moins en moins !) pour un samedi après-midi en Europe est ici assez exceptionnel : on se marie très peu à l’église.  En effet le mariage coutumier, qui lie deux personnes (de sexes différents !) et deux familles, a une telle place dans la culture et la structure sociale des Congolais et implique un tel investissement social, affectif et financier (pour la dot et la fête), que la majorité de couples, mêmes catholiques et pratiquants, en restent là et ne s’engagent pas dans l’union sacramentelle, surtout parce que les fêtes prévisibles seraient hors de leurs moyens.

L’Eglise essaie de recadrer les choses en proposant le sacrement dégagé le plus possible d’un endettement à long terme et ancré dans une pastorale à dimension spirituelle. Mais ce n’est pas facile. 

Le fait que deux notables des hameaux de la paroisse (le responsable des jardins des Pères et un chef coutumier) s’engagent sur cette voie est prometteur et nous espérons que « cela donnera des idées à d’autres ». 

Les deux couples sont « mariés » depuis longtemps. Jean-Paul et Adolphine qui ont des enfants en bas âge, mais sont aussi plusieurs fois grands-parents. Le Chef Pierre et sa femme Elisée ont un aîné presqu’adulte et des suivants de tous les âges.

Durant la messe de mariage, il y eut un rite assez original sur un des enfants de Jean-Paul et Adolphine : Ngalamulume a environ 7 ans, s’appelle ainsi parce qu’il « vient après »  trois filles et est considéré comme ayant un potentiel de caractère un peu négatif (tétu et fort) qu’il faut contrecarrer par une bonne bénédiction et une onction de chaux sur le front et les joues. Et il a offert une poule au curé... 

Au moment où j’écris ces lignes, la noce « à la paroisse » bat son plein et vide le frigo à bières de la maison des Pères..., et demain ce sera la noce « au village », ce qui veut dire qu’on risque de n’avoir pas résolu tous les soucis d’endettement...



jeudi 22 novembre 2018

Orgueil et préjugés

Je me rends de plus en plus compte que pour être plus efficace et dynamique, il faut aussi modérer ses objectifs et rabaisser d’autant ses ambitions. Sois humble et tu seras d’autant plus fort !
Parabole congolaise... et universelle : dans une cour de notre mission, nous avions aménagé une citerne sur un socle hautain afin qu’elle puisse déverser son eau avec suffisamment de pression dans toutes les pièces de notre mission. Mais pour qu’elle puisse donner de l’eau, il faut qu’elle puisse en recevoir. Or les gouttières d’eau de pluie, manquaient de pente pour pouvoir déverser leur contenu lors des fortes averses de la saison des pluies... et la citerne, quoique d’un bleu attractif et altier, restait désespérément vide.
Il a fallu donc raccourcir la hauteur du socle, rabaisser l’orgueil de la citerne pour qu’elle puisse enfin faire son travail : accueillir de l’eau puis redistribuer pour le bonheur de tous. 
Un peu comme dans nos vies. Souvent, par rapport au monde et aux relations, nous prenons des hauteurs que notre ego trouve confortables et qui surplombent la vie des autres. Mais comment donner des leçons aux autres, si l’on est dans l’incapacité d’en recevoir ? 
Comment donner, si on n’accepte pas de recevoir, si on ne se met pas en position de recevoir ce que les autres peuvent nous donner ? Une des qualités du véritable échange c’est l’humilité d’ « estimer les autres supérieurs à soi-même » (dixit saint Paul)... Et l’on est déjà sur un bon chemin si l’on arrive à estimer les autres au moins à l’égal de soi-même.

jeudi 15 novembre 2018

la tête de Saint-Maurice

Un nouveau tournoi de football est actuellement en train d’animer le « Stade des Martyrs » de ma colline congolaise. Il met en compétition huit équipes de la paroisse et des paroisses voisines. Le premier match s’est déroulé dans de bonnes conditions et une ambiance pour le moment décontractée.
Armé d’un mégaphone qui a rendu l’âme à la fin de la première mi-temps (la faute aux piles), un papa du village commentait avec un enthousiasme communicatif les différentes péripéties de la partie entre notre équipe Saint-Mauriceet les visiteurs de Ditekemena, formation d’un des hameaux de la paroisse. 
Il se trouve que pour la beauté du spectacle, les joueurs d’ici aiment jouer de la tête et garder le ballon dans les hauteurs au lieu de le faire filer vers les filets en rase-motte. 
Ce qui veut dire que très souvent, le commentateur y allait d’un ambigu :
« Attention à la tête de Saint-Maurice», « Attention à la tête de Saint-Maurice» pour marquer que le jeu devenait dangereux quand un joueur de notre équipe locale sautait de toute son élasticité pour prendre le ballon en plein front et le renvoyer vers la cage adverse.
Ceux qui savent comment saint Maurice est entré dans le martyrologe saisiront la profondeur historique de ces :  « Attention à la tête de Saint-Maurice » !

Et voilà que Saint-Mauricea vaincu Ditekemena: 3 à 0. Avec la tête ou sans la tête. J’aurais préféré un match nul 3 à 3, car Ditekemena, cela signifie l’Espoir !


dimanche 11 novembre 2018

la dentelle

Je m’ennuyais un peu à cette messe dominicale de ma paroisse congolaise, ce jour-là trop longue à mon goût. Trop de chants, trop de danses, trop de paroles bavardes, trop de trop. Mon esprit s’échappa et se laissa distraire... par la nappe de l’autel devant moi. 

Cet autel est très large et la dentelle qui borde la nappe court sur cette largeur avec une élégance assez sophistiquée ; elle est belle et bien ouvragée mais voilà qu’à un certain moment de la jolie frise, elle est déchirée et quelques volutes de tissu ont disparu. Des souris ou des insectes ont dû faire une petite fiesta dans notre sacristie excessivement tropicale, et bien sûr personne parmi les paroissiens et les paroissiennes de la savane n’est capable de réparer ce joyau qui fut amoureusement agencé par une patiente dentellière d’au-delà des mers...

Et puis finalement, heureusement que tout n’est pas bien parfait et bien aligné dans notre liturgie. Heureusement qu’il y a des espaces d’amélioration possible, heureusement qu’il y quelques déchirures et quelques ratés sur dans les différents tissus de nos humanités.

Sans doute nos marges de progression, alliées avec une bonne dose d’humilité, sont le piment de nos existences et le sel de nos relations. J’ai décidé de ne rien faire pour réparer la dentelle abimée car elle me permet de méditer même quand le tohu-bohu liturgique de la messe africaine me tape sur les nerfs comme un tam-tam endiablé.  

samedi 3 novembre 2018

Cache-cache

Ce dimanche c’est la fête de la Toussaint sur la Colline et au Congo où la plupart des solennités sont renvoyées au dimanche suivant. On me confie la messe et j’ai décidé de prêcher sur l’antienne du jour : Voici le peuple immense de ceux qui t’ont cherché.
 Pour la première fois je me rends compte qu’un saint c’est davantage quelqu’un qui a cherché que quelqu’un qui a trouvé ! D’ailleurs, saint Augustin, le patron de notre communauté ,avait eu cette intuition profonde que, même quand on croit avoir trouvé Dieu, il faut encore le chercher tant il est au-delà de ce que l’on peut imaginer. Puis un jour, on le trouve vraiment et c’est le Jour Eternel...
Cela m’a fait penser à cette petite histoire juive que raconte Elie Wiesel : 
« Le petit-fils de Rabbi Baroukh, Yéhiel, se précipita en larmes dans sa chambre.
— Yéhiel, Yéhiel, pourquoi ces larmes ?
— Mon ami triche, ce n'est pas juste grand-père, ce n'est pas juste pour un ami de tricher !
— Mais qu'a-t-il donc fait, ton ami ?
— Nous jouions à cache-cache. Je me suis si bien caché qu'il n'a pas pu me trouver ; alors, il s'est arrêté de jouer, il n'a plus cherché. Tu comprends, grand-père ? Moi, je me suis caché et, lui, il ne m'a pas cherché, ce n'est pas juste !
Rabbi Baroukh, bouleversé, se mit à caresser la tête du petit garçon, et des larmes lui coulèrent des yeux : 
— Dieu aussi, Yéhiel, murmura-t-il, Dieu aussi est malheureux. Il se cache et l'homme ne Le cherche pas. Tu comprends, mon petit Yéhiel ? Dieu se cache et l'homme ne se donne même pas la peine de Le chercher.  »