samedi 25 février 2017

Macbeth au Congo

Dans l’avion qui me ramène au Congo pour un vol de huit heures, j’ai la possibilité de visionner quelques films. Je choisis « Macbeth » une adaptation de 2015 de la célèbre pièce de Shakespaere. Une tragédie terrible sur les effets destructeurs du mal et de la culpabilité. Le noble écossais Macbeth et son épouse tuent par ambition leur roi pour régner à sa place. Mais dès ce meurtre l’engrenage du mal est lancé, la folie s’épanouit jusqu’à l’absurde et jusqu’à la mort des deux protagonistes... La tragédie de Shakespeare est un chef-d’œuvre incontesté. On s’accorde à définir un chef d’œuvre comme une œuvre à portée universelle, qui « parle » quelles que soient la géographie et l’époque. Macbeth parle donc de la situation au Congo, où j’atterris après le film !  
Les engrenages terribles de l’ambition, du pouvoir, de la corruption, des violences mortifères sont omniprésents ici à tous les niveaux. Il y a des Macbeth et des Lady Macbeth au sommet de l’Etat comme derrière les cases des hameaux de brousse. Mais alors... comment préserver sa propre part d’innocence lorsque tout est faussé et tellement embué de mal et de désespoir ?
Peut-être en étant lucide sur soi-même. Parce que Macbeth est aussi en moi, je le dorlotte facilement au milieu de mes pensées cancérigènes, au cœur de mes idées délétères. Si je sais débusquer les meurtriers qui sont en moi, je préserve mieux mes parts d’innocence, et aussi celles de tous les autres. 

dimanche 19 février 2017

la souffrance et la fatalité

Dans ma province du Congo les routes sont dans un état déplorable et je vois la décrépitude s’installer plus durablement à chacun de mes retours d’Europe. C’est actuellement la saison des pluies et la piste qui traverse notre paroisse est ravagée par de très nombreuses ravines. Nous essayons, tant bien que mal d’encourager les villageois à réparer sans tarder, pour que le point de non-retour ne soit pas atteint... Les autorités ne font absolument rien, prétextant que c’est une route privée, alors qu’elle dessert environ 5000 habitants.
 Mais sur la grand-route « publique » qui conduit de Kananga vers la capitale (photo à la sortie de la ville ! ce serait une autoroute A7 en Suisse) et qui passe au bas de notre colline, la situation n’est guère meilleure. Dès que la déclivité se fait sentir l’eau dévale au milieu de la « chaussée » et forme des trous qui rendent le passage des véhicules à quatre roues très difficile et même impossible pour certains. L’incurie des autorités de la ville est telle qu’elles découragent toute initiative privée voulant améliorer la situation. Ce qui fait que chacun devient fataliste et se demande ce qu’il en sera, demain, de la liaison avec le centre-ville...
 Hier un camion surchargé de personnes et de marchandises revenait, par cette route, d’un grand marché rural vers la ville de Kananga. Dans une passe difficile, le conducteur a fait descendre tout le monde. Seuls un vieux monsieur impotent et une dame qui tenait à avoir l’œil sur ses biens ne sont pas descendus... le camion a mal négocié le passage d’un ravinement difficile et s’est renversé. Le monsieur et la dame sont morts écrasés par le camion et son amoncellement de marchandises. Les conducteurs se sont enfuis avant l’arrivée de la police. Pour éviter les pillages de la nuit, une petite troupe de policier est chargée de garder la cargaison renversée, mais il y a tout lieu de croire qu’une partie disparaîtra malgré tout à la faveur de l’obscurité... et que les policiers sauront très bien où elle est.
 Que dire de plus ? L’autre jour j’ai vu écrit sur une maison : « La souffrance n’est pas une maladie mais une étape de la vie »... Je veux bien, mais je trouve que beaucoup d’étapes de la vie sont très ravinées dans ce pays...

mardi 14 février 2017

l'avenir de la vie religieuse

L’avenir de la vie religieuse se pose de façon très différente en Europe ou en Afrique. Chaque jour je me dis que cet avenir est dans les Mains de Dieu. Mais ce qui se passe sur ma colline au Congo me montre que ces Mains-là nous guident vers l’inconnu !
La communauté des Pères de saint Maurice est arrivée au Congo au printemps 2012. Après 5 ans de fondation les bases sont désormais suffisamment solides pour pouvoir penser à la relève. Grâce à l’appui logistique de l’association ABLFC (qui est engagée avec nous dans le développement de notre colline) et du fonds missionnaire de l’Abbaye, une maison de formation pour accueillir les aspirants à notre vie religieuse a été planifiée. Une première phase avec deux chambres pour 4 aspirants, une salle commune, une chambre et un bureau pour les formateurs, etc. a pu être terminée en février 2017 ; nous espérons que l’ensemble de la maison de formation soit terminée en juillet 17.
Durant 5 ans nous étions en contact avec de nombreux jeunes qui nous faisaient part de leur désir de rejoindre un jour notre communauté. Avec notre nouvelle maison de formation nous allions pouvoir recevoir 4 jeunes qui ont été choisis parmi les 33 candidats qui se sont présentés à notre test d’admission en septembre 2016.
Le 11 février 2017, Moïse, Charles-Théodore, Charles et Augustin ont été reçus comme aspirants par Mgr Scarcella qui avait fait le déplacement pour cet événement. Je suis leur maître de formation et le Père Nicolas est mon adjoint. Le chemin du discernement dans la vie religieuse va être long et les étapes nombreuses. Mais la graine est semée et le jardinier divin saura s’occuper de ce qui va germer.


vendredi 3 février 2017

R.I.P.

Après un bout d’hiver en Europe, je retourne sur ma colline africaine pour un nouveau séjour missionnaire de 5 mois. Prendre l’avion est un mélange de soucis, d’efforts et de découvertes. Le moment qui précède l’embarquement est propice à de grandes décisions : faut-il se lever dès que la file se forme au risque de poireauter debout de longues minutes ou vaut-il mieux attendre, tranquillement assis, que la colonne se résorbe pour se lever et embarquer parmi les nonchalants derniers ?

En Europe la question est pertinente, en Afrique non. Dans les moiteurs pénibles des aéroports congolais, il vaut mieux se lever et être en bonne place dans la file pour avoir une chance de caser son bagage sur sa tête près de soi. Car s’il est une chose que les Africains adorent c’est d’avoir un excédent de bagages à main : une petite valise, un sac à main, une grosse trousse et un sac de plastique assistent penauds aux tractations de leur proprétaire avec l’hôtesse de l’air, puis à la recherche d’une place pour les caser.

Dès lors, à coup sûr, si vous arrivez parmi les nonchalants derniers, vous n’avez aucune chance de trouver une place pour votre petite valise standart !

Lors de mon dernier voyage, mes voisines ont fait fort. Elles sont arrivées dans l’avion avec, en plus de leurs sacs divers, deux grandes couronnes funéraires en fausses fleurs, peu cachées dans un plastique presque transparent jaune. Et j’ai assisté, au-dessus de ma tête médusée, à l’installation des couronnes dans le porte-bagages qui n’en demandait pas tant.

Le reste du voyage j’ai presque reposé en paix !