dimanche 29 avril 2018

l’UNESCO dans la savane








Avec les jeunes formés de ma communauté, j’ai passé cette fin de semaine sur un site exceptionnel. En pleine savane très boisée, à quelques dizaines de kilomètres au sud-ouest tant de ma Colline que de la ville de Kananga se trouve Kabwue, un mythe de l’histoire du Congo, un concentré d’architectures missionnaires belges de la meilleure facture. Qui, s’il se trouvait entre Bruxelles et Liège, serait inscrit depuis des lustres au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Sur 5 km2 environ se concentrent 4 complexes architecturaux de premier ordre : deux grands et deux plus petits, tous faits de briques cuites agencées, de bois et des tuiles ocres du meilleur effet.

D’abord deux séminaires - un petit séminaire style collège catholique, un grand séminaire de philosophie pour futurs prêtres – dont les bâtiments (maison des étudiants, des professeurs, auditoires, musées, théâtres...)  se déploient autour de deux immenses cours aux allées cruciformes orientées vers des églises néo-ogivales ou néo-romanes. Puis un Carmel (aujourd’hui les carmélites se sont déplacées en ville et leur monastère est devenu une propédeutique de théologie) et aussi une Mission paroissiale avec église, presbytère, maison des sœurs, école et centre de santé...

Tous ces complexes ont été construit en 10 ans entre 1927 et 1938, à l’apogée de la présence coloniale et missionnaire belge au Congo. Kabwe était connu dans toute la colonie et d’illustres personnalités (dont le premier président Kasavubu) y ont étudié.

Donc si Kabwe se trouvait en Brabant plutôt qu’au centre de l’Afrique on aurait tout à parié que ces merveilles architecturales seraient reconnues mondialement par l’UNESCO, mais seraient vides (de séminaristes en tout cas) alors qu’aujourd’hui, il y a 80 grands séminaristes, autant de petits séminaristes et 27 propédeutes... dans des bâtiments magnifiques mais qui tombent en ruines.

C’est une tragédie. Dans un pays qui s’effondre dans le marasme économique et politique, qui se préoccupe de culture et de patrimoine ? Et, un à un, les magnifiques bâtiments de Kabwe voient leurs voûtes de millions de briques se fissurer, s’effondrer sous le poids de leurs toits trop lourds de millions de tuiles. Il y a trois ans les sœurs de la Mission ont quitté le vénérable couvent à véranda ocre, devenu trop dangereux, pour une petite maison qui à côté de sa compagne décrépite a des allures de cabane de jardin !

Cela pose une réelle question sur les politiques culturelles au niveau mondial (UNESCO). Y-t-il à ce niveau une véritable égalité de chance pour tout le patrimoine culturel de l’humanité ? Et au niveau international, que dire ? Les relations entre la Belgique et la RD-Congo sont actuellement tellement exécrables, les débats sur la colonisation tellement empoisonnés qu’on ne voit pas comment sauver les voûtes flamandes de la brousse congolaise.

Et Kabwe, lentement mais sûrement, tout en étant habité par 200 jeunes motivés, entourés d’une population tout aussi juvénile, voit s’enfoncer dans la verdure sa magnifique décrépitude.  
 




mardi 24 avril 2018

un bonze au Kasaï

Le foot conduirait-il à l’art et à la culture ? Je l’espère. Pour faire les clowns durant la finale de notre tournoi de foot, quatre jeunes se sont grimés de blanc, ont fabriqués une statue en terre crue (un petit bonze kasaïen !) et ont mis de l’animation sur le terrain.

Je suis toujours intéressé par les traces d’art dans la culture de ma colline. Mais elles sont rares. Ainsi quand un des jeunes a su que je m’intéressais à sa « statuaire primitive », il s’est précipité pour me la vendre afin d’avoir quelques petits sous qui lui permettront de réintégrer l’école dont il a été renvoyé par manque de moyens !

Puisqu’il mord à l’hameçon artistique, je vais l’inciter à s’essayer à d’autres statues en céramique (mais désormais cuite dans les règles de l’art).


Donc on voit que même une finale qui finit en bagarre générale peut conduire vers l’art : peut-être un peu brut au départ mais ne désespérons pas...

deux boites de sardines



J’ai été cambriolé. Profitant d’une de mes innombrables allées et venues, quelqu’un s’est introduit dans la mission de la Colline et dans ma chambre que j’avais négligé de fermer à clé : j’y entre et sors trop souvent et sans savoir combien de temps je reste dehors.

J’ai ainsi découvert progressivement qu’on m’avait volé six billets de 50 dollars, mon appareil de photo neuf et performant... et deux boites de sardines sur les 10 que j’avais laissées sur ma bibliothèque en prévision d’une disette...

Il y a une violence terrible dans un cambriolage. Je me suis senti frappé au profond de moi-même, parce que ce qui me fait rester sur ma colline malgré la guerre, la pauvreté, les différences culturelles, etc. , c’est une empathie avec ceux qui me côtoient : les ouvriers, les jeunes et les voisins du village et tous les pauvres diables qui passent sur notre route près de la maison, avec leur baluchons ou leur marchandises...

Comment faire pour ne pas tous les mettre dans le même sac des voleurs ? Comment ne pas commettre une injustice sur une autre injustice en accusant, ou en soupçonnant, des innocents ? Comment ne pas prendre de mesure de rétorsion envers ceux qui n’en peuvent mais et qui ne pourront plus entrer chez nous parce qu’un autre y a commis un délit ?

En fait je suis sauvé par les deux boites de sardines. S’il a été ébloui par les sardines et pas par les livres voisins de ma bibliothèque, c’est qu’il avait faim. C’est mon frère, ou ma sœur... cette fraternité me fait aller mieux...

Trois jours plus tard :
J’ai retrouvé 200 $ et mon appareil de photo, grâce à la sorcellerie. Enfin indirectement! Les villageois et leurs chefs coutumiers étaient tellement dépités de me savoir volé par l’un d’entre eux qu’ils ont lancé une grande opération de déstabilisation du voleur par la peur, avec menaces de faire intervenir les forces magiques contre le coupable. Il a effectivement pris peur et jeté l’argent qu’il n’avait pas déjà dépensé,  puis l’appareil de photo dans le sanctuaire de Marie et sur un gazon de la Colline !