dimanche 28 juin 2015

l'encyclique écologique

Je vis sur une colline miséreuse d’une province défavorisée dans un pays sinistré, la République démographique du Congo, (évoquée au n.38 de Laudato si). Comment cette encyclique y est-elle reçue? Quelques impressions.

Sur l’esplanade de ma colline, entre la maison de la communauté et l’église, je passe mon temps à enlever les papiers et autres détritus. Je me rends compte que mes paroissiens ne les voient même pas. Ils les enlèvent seulement lorsque je les leur montre, et surtout pour me faire plaisir. Cela me donne à réfléchir.  

La sensibilisation aux déchets, que j’ai reçue moi-même dès l’école enfantine, est ici encore très loin des mentalités. Mes villageois vivent dans des cases crasseuses et la plupart n’ont pas le souci (parce qu’ils en ont d’autres, peut-être) de faire en sorte que l’espace entre leur maison et la route soit dégagé de vieux papiers, de plastiques usés ou de boîtes de sardines vides...

Dans l’encyclique, les pauvres sont seulement vus comme les principales victimes du désastre écologique en cours sur notre planète (ex. n. 20 ). Il ne fait aucun doute que c’est vrai. Mais quand on vit dans le Sud on voit aussi qu’ils en sont les acteurs. C’est paradoxalement leur conférer une dignité que de les rendre responsables de l’état de leur milieu de vie. Leur impact environnemental certes est moindre mais comme ils sont plus nombreux que les riches, cela finit par chiffrer, et une amélioration du comportement écologique des très pauvres aurait une influence bénéfique à ne pas négliger.

Sans doute est-ce principalement une question d’éducation générale (merveilleusement évoquée aux n. 209-215 !). Dès qu’on a allongé un tant soit peu ses études, on regarde mieux, on voit mieux l’environnement avec sa profondeur dans le passé et dans l’avenir, on devient plus sensible à la beauté de la nature et à ce qui la dénature !

Le pape emploie comme un refrain le terme « maison commune » pour désigner notre terre (cf. le titre du premier chapitre !). Cette expression ouvre des perspectives vertigineuses, d’action et de réflexion. Nous nous disons vivre dans des pays où la démocratie entend régenter le monde. Or notre maison commune est une demeure d’Ancien Régime. Les pauvres entassés dans des entresols ténébreux ou dans des greniers de « chambres de bonnes », pendant que les riches s’ennuient dans de larges pièces lumineuses au premier étage, avec dorures et lustres inutiles. Et dans ces pièces magnifiquement entretenues, ils tiennent salon ... sur l’écologie !


Si nous voulons éviter une révolution sanglante et de nouvelles « prises de la Bastille », sans doute faudra-t-il revoir ces cloisonnements injustes qui défigurent la maison commune et la transformer en vraie maison démocratique.