vendredi 30 octobre 2020

la jungle urbaine

Souvenir de vacances d'été. Les villes ne savent plus qu’inventer pour animer leur cœur touristique et commercial. C’est à qui peut être le plus original et dans ce sens la ville de Tours au centre de la France a, me semble-t-il, marqué un point. 

A un carrefour, entre la gare, les fast-foods américains et arabes, les magasins de prêt-à-porter et un arrêt de tram, la municipalité a installé un énorme rhinocéros dans une matière moderne et indéfinissable mais blanche ou plutôt gris clair. L’animal trône placidement au milieu de l’agitation générale de cette autre jungle.

Il fait bon s’installer à proximité et voir comment les badauds s’approprient l’animal. Des étudiants mangent leurs hamburgers sur le socle aux pieds de la bête, des vieilles dames semblent se raconter leurs misères de santé en se promenant sans voir le monstre, un couple s’arrête et pose un cabas surchargé et trop pesant qu’il portait pourtant de concert, chacun une main à une anse. Regard distrait et fatigué vers l’immense corne...

Puis arrive une chaise roulante. Une dame âgée y pousse celui, immobile et hagard, qui doit être son mari. Le rythme est lent, calme. Ils passent devant le rhinocéros sans s’arrêter, lui jetant juste un coup d’œil. Celui-là ne va pas les brutaliser dans sa gangue de plastique. Et puis ils ont tellement eu d’attaques de fauves dans leur vie que ce n’est pas un rhinocéros de plus qui va les perturber. Ils poursuivent leur chemin vers la gare. Tranquillement. La vie de la jungle urbaine continue sous l’œil goguenard du rhinocéros. 

samedi 24 octobre 2020

notre Eglise


Personne ne se sauve tout seul.

Magnifique message pastoral de Mgr Jean-Marie Lovey pour une Eglise de proximité:

La récente encyclique, Fratelli Tutti, s’ouvre, dans son premier chapitre, sur les ‘’Ombres d’un monde fermé’’. Parmi ces ombres, le Pape François pointe la pandémie de Covid-19. Cette crise nous fait prendre conscience de notre appartenance à ‘’une communauté mondiale... où le mal de l’un porte préjudice à tout le monde ’’. De cette prise de conscience découle le pas suivant affirmé par le Pape avec la vigueur d’une certitude « Personne ne se sauve tout seul, il n’est possible de se sauver qu’ensemble» (N° 32).

Au moment où nos autorités sanitaires et politiques durcissent les mesures pour endiguer le mal, c’est un devoir pour nous, membres de l’Eglise et citoyens de ce pays, de faire corps avec les personnes qui en décident ainsi, pour le bien des habitants. On pourrait chercher les incohérences, les contradictions même dans les mesures édictées, et il y en a ; puis s’en plaindre, en faire un objet de réquisitoire, voire de querelle. De nombreux courriers que nous recevons témoignent de ce glissement possible, d’autres affirment qu’il faudrait arrêter momentanément toute activité pastorale. Entre deux, d’autres témoignent d’un chemin différent que je vous invite à emprunter : le chemin étroit de la proximité et du contact personnel ou en petits groupes. Une correspondante en donne le ton :

Il me semble que le temps est venu d'entrer en résistance, non pas contre les décisions des autorités qui doivent être scrupuleusement observées, mais contre cet esprit malin de division, sous la forme minime d'un virus, qui empêche les rassemblements communautaires qui sont le coeur de notre vie chrétienne, même s'ils n'en sont pas le tout.

Puisque le rassemblement de grandes communautés n'est plus possible pour... on ne sait pas combien de temps, formons de petites communautés, qui se rassemblent à 4,5,6 ...10 habitants de quartiers, d'immeubles, dans la plus grande prudence, pour partager l'évangile et prier ensemble.

A ce propos, il est opportun de constater qu’on peut tirer profit de la pandémie ; elle interroge la conscience des chrétiens qui pensent que leur prière ne peut se vivre qu’en présence d’un prêtre, le dimanche, et à l’église. La pandémie ébranle cette idée encore très présente et ouvre le champ d’une prière entre baptisés, aussi en semaine, et à la maison.

Suite à la première vague, le SDD a lancé une enquête en ligne et auprès de groupes, pour que nous puissions tirer parti de cette expérience. Il en ressort un fourmillement de réactions et de propositions.

Au moment où la pandémie nous empêche de nous rassembler en plus grande communautés, dans les églises paroissiales, ne manquons pas l’occasion des contacts individuels personnalisés.

§ Aux visites de familles pour lesquelles les prêtres n’ont souvent pas assez de temps disponible peuvent s’ajouter

§ La Communion à domicile. On peut convier les auxiliaires de l’Eucharistie qui après avoir participé à la messe sont envoyés par le curé auprès des absents pour apporter l’Eucharistie ;

§ Les visites personnelles notamment auprès des familles endeuillées ou en difficultés économiques ;

§ Des Messes de quartier, de maison, de famille. Sortons nos autels portatifs et faisons vivre l’Eglise domestique ;

§ Une invitation à méditer la Parole de Dieu en petits groupes ; « j’ai dévoré tes paroles elles ont fait la joie de mon cœur » (Jér 15, 16).

§ Une mobilisation des enfants qui dessinent pour les résidents EMS, les malades ;

§ Continuons à orner les églises, à inviter à la prière personnelle par les cloches qui sonnent aux heures habituelles de la messe ;

§ Rendons-nous disponibles pour aller sur le cimetière le 1er novembre simplement pour saluer individuellement les familles présentes, partager un bref temps de prière et un signe de sympathie.

La liste pourrait s’allonger , l’objectif étant de vivre la communion et l’unité, malgré tout, malgré la dispersion à laquelle nous obligent les mesures sanitaires. Puisque la communauté ne peut se rassembler en plus grand nombre, eh bien divisons-nous, puisqu'il le faut, mais pour nous répandre mieux, comme les grains de l'épi. Il serait fou, le cultivateur qui sèmerait des épis.

Cette image reprise de vos réactions nous encourage à porter sur la difficulté du moment un regard d’Espérance. N’est-ce pas là un des témoignages les plus urgents que les chrétiens ont à apporter au monde entier atteint par la tragédie de la pandémie ? La division ici est plutôt une démultiplication.

Ainsi pour la catéchèse, ou les différents groupes : on peut sans doute maintenir les rencontres, en divisant les effectifs. Cela demande du temps et de l'engagement, mais si nous ne le faisons pas, nous reconnaissons que ce n'est pas si important, puisqu'on peut aisément reporter, voire supprimer ces rencontres.

Comment ne pas remercier toutes les personnes qui s’engagent généreusement pour qu’à travers elles, l’Esprit Saint trouve le chemin des cœurs meurtris pour les consoler. ‘’Personne ne se sauve tout seul.’’ A l’intention des prêtres, dans ce sens, j’active le Can. 905 §2 selon lequel ils pourront célébrer 2 messes par jour, voire 3 les dimanches et jours de fête. Confiants en votre sens pastoral et ecclésial, en votre désir de servir chacun des membres de vos communautés, je vous redis ma gratitude et celle des membres de l’Ordinariat pour votre irremplaçable collaboration. Que le Seigneur entende notre prière quand elle demande que le monde entier soit libéré du mal.

 Octobre 2020

+ Jean-Marie Lovey crb évêque de Sion.

vendredi 23 octobre 2020

un souvenir de vacances : Galilée vaudoise



Le site de l’abbatiale de Payerne est à nouveau ouvert après une campagne de restauration et de mise en valeur muséographique. Et cela vaut le déplacement, tant pour l’éternelle beauté sobre de l’église romane que pour les animations technologiques que le parcours présente. 

Il faut d’abord s’imprégner, sur le parvis, de l’ambiance de la Place du Marché et de son café qui affiche ses heures d’été ou d’hiver. C’est le monde et les saisons ordinaires d’une petite ville assez sage sauf au temps de son carnaval.

Puis déplaçons-nous en galilée. Les moines de Cluny appelaient ainsi le narthex, c’est-à-dire l’espace préambule, le sas spirituel, entre la porte qui vient de la cité et celle qui permet d’entrer dans la nef de l’église. Le nom biblique a été inculturé en architecture pour des raisons éminemment mystiques : allusion au dernier moment sur terre de Jésus Ressuscité ; il a convoqué ses disciples en Galilée et de là est monté au ciel rejoindre notre Père.

Les moines de Cluny et de Payerne savaient bien qu’il s’agit pour nous de faire la même démarche. D’abord vivons la vie, si ordinaire et souvent triviale, sur nos Places du Marché. Puis laissons-nous convoquer en Galilée, avant d’entrer par la porte du ciel dans la nef de l’Eglise d’en haut où le Dieu de Gloire nous attend, nous et nos louanges.

Visiter une église – et surtout une église romane clunisienne, n’est jamais anodin. C’est s’entraîner à une démarche essentielle, qui nous conduit de la terre au ciel. Du terre à terre à une Lumière indiscible.


mercredi 21 octobre 2020

la solution de l'énigme et mon retour au Congo

Pour les cinéphiles avertis : de quel film de sciences fiction très célèbre est tirée cette scène ?

Cette scène n’est bien sûr pas un film de science-fiction mais la réalité pure et simple le matin du 15 octobre au terminal international K de l’Aéroport Charles de Gaulle de Roissy-Paris. Près de la porte de l’avion qui part à Kinshasa et Brazzaville, se trouve un groupe d’une trentaine de voyageurs apparemment asiatiques avec leur protection anti-COVID : scaphandre en tissu blanc, masques et visières. Certains se promènent en quête de sandwiches, d’autres s’affairent sur leurs portables, un groupe accroupi en rond par terre joue aux cartes. Des extraterrestres tout à fait normaux, somme toute !

Avec un zest raciste de mauvaise humeur que je confesse humblement, je soupçonne que ce sont des Chinois qui viennent avec moi investir le Congo, mais curieusement malgré leur place dans le hall ce n’est pas là qu’ils se dirigent puisque je les retrouve pas dans l’interminable file qui se forme à l’embarquement, ni plus tard dans la cohue de l’avion qui prendra une heure de retard à installer tous ses passagers, avec une inquiétude latente : un passager avait, semble-t-il, volé l’i-pad de service d’une hôtesse et contribué ainsi à l’anarchie ambiante!

Je ne sais pas si je préfère la froide rigueur asiatique des cosmonautes dans le terminal... ou le chaud carpharnaüm africain dans l’avion. Le COVID a-t-il choisi son camp ?


(Suite de mes aventures : )

Après quatre jours à Kinshasa que j’ai vécu comme un sas et une récollection spirituelle, j’ai refait un test COVID (toujours négatif) et j’ai pris l’avion pour Kananga ma capitale provinciale et je suis arrivé sur la colline ce mardi 20 octobre. J’y reprends progressivement pied, sereinement et dans la joie...

 

  

lundi 19 octobre 2020

une énigme culturelle

Pour les cinéphiles avertis : de quel film de science fiction très célèbre est tirée cette scène ?

mercredi 14 octobre 2020

la dépense


Je me promène à travers les rues marchandes de Lausanne. J’ai du temps et donc je le prends. J’estime que ce n’est jamais du temps perdu que de déambuler lentement dans des lieux surexcités. Cela donne poids et relief à sa propre vie en la jaugeant à l’aune de la vitesse d’un monde qui semble courir après lui-même sans être capable de se rattraper !

Ma réflexion et mes yeux tombent sur une publicité pour une grande marque de montres suisses. Quand on réfléchit à la valeur du temps, cela sent la coïncidence pas si fortuite que cela. L’affiche est affreuse, on y voit des montres qui semblent tournoyer les unes derrière les autres dans un rythme que rien ne semble vouloir arrêter. 

Pourtant, posé sur l’immense réclame, un petit autocollant jaune insère une pause bienvenue dans le cortège de mes pensées. Il exhibe sans complexe un : « La pub nous fait dé-penser ». Ce trait d’union, il fallait y penser. Tellement vrai. Plus on consomme, plus on achète, plus on dépense, moins on pense... Il s’agit pour chacun de renverser ce cercle vicieux. 

Lors d’une conférence sur le martyre des chrétiens d’aujourd’hui, Monseigneur David Macaire, évêque de la Martinique a tourné son propos sur le témoignage que les chrétiens doivent donner dans une société qui développe à l’infini des « armes de distraction massive ». Le jeu de mots est intéressant, la réalité donne à « penser », plutôt qu’à « dé-penser ».


mardi 13 octobre 2020

le bain général


SOUVENIR DE VACANCES. En un bref séjour sur la façade atlantique française, je me suis rendu compte que l’abandon des chiens durant l’été et les vacances remonte à la nuit des temps. C’est même l’origine millénaire de Dax, une ville du département des Landes. 

Devant la cathédrale un groupe de bronze rappelle l’étonnante histoire d’un soldat romain qui, devant quitter son lieu de garnison, abandonne son vieux chien rhumatisant en le jetant dans l’Adour, le fleuve qui traverse le pays. Quelques temps plus tard, il revient à Dax et retrouve son chien tout guilleret et guéri. 

 Les eaux et les boues ont fait leur œuvre bienfaisante et lancé un thermalisme encore vivant aujourd’hui à Dax. D’ailleurs l’étymologie du nom de la ville – civitas de aquis, la cité des eaux – se rattache aux thérapies balnéaires depuis l’Antiquité. 

Merveilleuse histoire que celle des retrouvailles du soldat et de son vieux chien. Mais ne peut-on pas déceler derrière l’anecdotique que toute la création est une seule et même réalité vivante dans la connexion, plus ou moins réussie, de toutes ses parties : l’eau se mêle à la terre et la boue nourrit la végétation, guérit et vivifie les animaux et les hommes qui ont tout avantage à faire cause commune. L’aventure du coronavirus nous a au moins appris que ce n’est pas nécessairement le plus petit qui est le moins fort. Il s’agit au contraire de tenir compte de tout et de chacun, et de chercher inlassablement une harmonie sans laisser personne au bord du chemin.