lundi 31 décembre 2018

le pain et les élections

30 décembre 18. C’est dimanche des élections en RDC. Pour l’Eglise catholique c’est la fête de la Sainte Famille. Ma communauté m’a confié la présidence et la prédication de la messe, parce que mes confrères électeurs seront préoccupés par leurs votes, parce qu’il y aura peu de monde, les centres électoraux ayant un plus grand pouvoir d’attraction... et parce qu’il sera préférable que la messe soit courte, les prêtres européens se contentant facilement d’un quart d’heure de prédication quand les africains passent allégrement la demi-heure ! 
 Effectivement la messe fut peu fréquentée et le sermon bref en quatre parties sur la sainteté des quatre familles de Jésus, sa famille restreinte (en langue locale : la « famille du soir », c’est-à-dire celle qui est réunie pour le repas du soir avant la nuit), la famille élargie (celle de Jésus est aussi très présente dans les évangiles), la famille humaine et la famille divine qui n’a pas que trois personnes puisque nous y sommes tous conviés...
 En fait les fidèles étaient surtout ceux qui avaient voté avant la messe et c’est à la communion que je m’en suis aperçu. S’approchant du Pain de vie, ils tendaient les mains avec une marque noire. Le passage aux urnes s’était accompagné d’un petit plongeon du pouce dans de l’encre noire. « A voté ! » 
Puis ces mains, tellement chargées d’espoirs de toutes sortes, venaient chercher à l’église, à 200 m des bureaux de vote, un peu de nourriture pour la route, car il sera long le chemin de la vraie justice.




samedi 29 décembre 2018

le tour de l'autel

Je suis dans ma chambre congolaise en train de réfléchir au meilleur aménagement possible  de la nouvelle chapelle de notre noviciat : je souhaiterais qu’on dispose les chaises en rond autour d’un autel rond, mais un novice m’a dit qu’il voyait plutôt les chaises les unes derrière les autres en face de l’autel et de la croix, dans une disposition très classique et tridentine (il n’a pas utilisé ce mot !).
Je suis un peu agacé car je voudrais enrichir la perception de mes jeunes novices sur la portée théologique de la disposition liturgique et je concocte pour cela un petit historique avec dessins à l’appui de l’évolution des aménagements d’églises depuis la table de la Cène de Jésus jusqu’à la chapelle ovale des sœurs de Saint-Maurice à la Pelouse (Suisse) en passant par les églises orientées du Moyen Age. Toute cette richesse et cette inventivité m’émerveillent... Lorsque tout à coup j’entends un chant liturgique dans la cour de ma maison !

C’est la CVB des jeunes de la paroisse qui fait séance chez nous, invitée par les novices. Les CVB (Communautés vivantes de Base) de la paroisse se réunissent le vendredi soir pour préparer la liturgie du dimanche, lire, prier et commenter ensemble les textes de la Bible qui seront proclamés.
Ce soir les jeunes se sont installés sur notre pelouse, autour d’une table où le président a posé les lectionnaires. Ils lisent et écoutent la parole, ils prient. Tout à l’heure ils vont fraterniser autour d’un plat de haricots, puis se répandre dans la joie vers le village.

Finalement c’est peut-être cela la Tradition vivante d’une Eglise catholique !

dimanche 23 décembre 2018

mes voeux

Sur les troncs vieillis 
De nos désillusions
Sur les souches mortes 
De nos échecs
Une espérance vient 
Naître et n’être 
Que là
Désormais
Tout près de Nous
LUI  

Que Noël vous soit beau
Et 19 neuf !

mercredi 19 décembre 2018

une campagne électorale

La campagne pour les élections nationales et provinciales du 23 décembre tire lentement vers sa fin. Elle a atteint notre village le 6 décembre. Premier avant quelques autres, un candidat député de la province a fait une visite dans les hameaux de notre paroisse. Pour les villageois électeurs le principal intérêt de cette venue ne consistait pas dans le programme ni même les promesses du candidat, mais dans les cadeaux qui accompagnaient cette visite. Cette fois c’était un grand sac de jute rempli de babouches (tongs chinois en plastique, les chaussures les plus communes de la campagne congolaise).

Au moment opportun ce fut une foire d’empoigne. Ce qu’on avait prévu de faire dans l’ordre a été fait dans une ruée indescriptible. Beaucoup se sont retrouvés avec deux babouches du même pied ou même une seule babouche. Une dame a manqué d’être étouffée et a dû être conduite au dispensaire de notre mission. 

Il y encore du chemin pour faire passer la politique des pieds à la tête. Y arrivera-t-on d’ici le 23 décembre ? Je suis perplexe, il ne reste que quelques petits jours et le niveau proprement intellectuel de la campagne (programmes, idées, projets, visions...) est... comment dire ? ... insaisissable. 

mardi 18 décembre 2018

les politiciens

A quelques jours d’un rendez-vous politique important pour mon pays d’adoption, voici une paraphrase des béatitudes...
« Heureux le politicien qui a une haute idée et une profonde conscience de son rôle.
Heureux le politicien dont la personne reflète la crédibilité.
Heureux le politicien qui travaille pour le bien commun et non pour son propre intérêt.
Heureux le politicien qui reste fidèlement cohérent.
Heureux le politicien qui réalise l’unité.
Heureux le politicien qui s’engage dans la réalisation d’un changement radical.
Heureux le politicien qui sait écouter.
Heureux le politicien qui n’a pas peur. »

Cardinal vietnamien Van Thuan (1928-2002).

dimanche 16 décembre 2018

les dimanches qui se suivent


Alors que le peuple congolais va vivre dans une semaine une élection à haut risque, notre colline a vécu l’épilogue d’un tournoi de football. 

Par chance la finale s’est déroulée dans de bonnes conditions. Et l’équipe locale Saint-Maurice  a vaincu l’équipe de la colline d’en face (Kamando de Matamba)  par 1 à 0. 


Il y a bien eu quelques blessures, quelques contestations mais tout s’est déroulé dans un calme relatif  et au son de la fanfare... et s’est terminé dans la liesse populaire. Espérons que les dimanches se suivent et se ressemblent. 

vendredi 14 décembre 2018

la Colline par Paul

Paul Fiorellino est étudiant en théologie à l’Université de Fribourg. Après son bachelor, il s’offre une année sabbatique où il accomplit son service civil et vient passer quelques mois au Kasaï. Arrivé fin octobre 18, il rentrera en Suisse en mars 19. Il livre ici les impressions de ses six premières semaines en immersion sur la Colline. 
6 semaines après le départ

On voyage comme on apprend une langue. On apprend dautres vies. Dabord, disons-le, on ne comprend rien. Puis petit à petit, loreille se fait aux nouveaux sons, aux nouveaux rythmes. Plus tard encore, quand les premiers mots sont en tête, on se surprend à essayer de traduire littéralement à transposer sa culture, à comparer. Et puis, peut-être,on s’essaie, on se lance. On fait des fautes. Cest dur, les mots ne viennent pas, ça accroche.

Comme un enfant se laisse glisser dans le monde quil découvre, je me laisse modeler par ce milieu. Ma peau sassombrit sous le soleil équatorial mais je ne deviens pas noir pour autant. Japprends, je madapte mais je ne deviens pas Africain. Je suis ce que je suis mais soudain enrichi par tous ces gens, ces regards, ces rires et ces cris que je ne connaissais pas. Je me rends compte dune autre façon de sexprimer, dans la parole, dans les gestes et dans le silence. 

Si les façons de les exprimer sont différentes, les sentiments souvent se rejoignent. Mis en lumière par les contrastes, on ne comprend que mieux ce que nous avons en commun. Pour les théologiens et les religieux qui me liraient ici, ce me semble être une belle façon de concevoir la catholicité de lEglise.

Chercher le regard de l’autre est nécessaire en Suisse et malpoli ici. « Par politesse, je regarde mes interlocuteurs dans les yeux grossièrement. » Voilà, dans la langue, ce que trop souvent nous voulons faire avec les cultures. Cest un mélange qui ne fonctionne pas. 

Mais il existe une autre façon. Écoutez plutôt ce français : « Enfile tes couvre-feux, tes babouches et prends ton flash avec ! On va touter un glucose avec le prof mécanisé dans sa nouvelle parcelle. On y va avec la machine des masoeurs. En passant je prendrai des unités. »[1]Cela ne veut rien dire ? Détrompez-vous. Et ladaptation est là

Cela fait tout juste six semaines que j’ai fermé la porte de la maison derrière moi et pris la route de cette colline. Absolument rien, à part une supposée allégeance à un homme mort et ressuscité il y a deux millénaires ne nous rassemble. Et me voilà accueilli en familier, intégré à cette improbable famille. 

Déjà légèrement habitué aux bizarreries africaines, je ne suis par exemple plus étonné de voir trôner sur la table du repas un bidon de diesel rempli probablement d’autre chose que de pétrole. Mais cela m’arrache toujours un sourire. Et c’en est mille des événements comme celui-là.

Le Sanctuaire CASM est comme un sas. Autant du point de vue de la misère, de l’hygiène, de la sécurité ou encore des mentalités. Ce pourrait être une partie de définition de ce qu’est la mission aujourd’hui : créer des sas pour favoriser la rencontre des hommes et des femmes de ce temps.

Dans ce printemps perpétuel - ou serait-ce un été sans fin ? - les eucalyptus en fleurs offrent à mon sens le plus perturbé des odeurs familières de mimosa qui me font du bien. 


[1]En français continental : « Mets tes pantalons, tes sandales et prends ta clé USB (sous-entendu pour pouvoir écouter de la musique)! On va manger un biscuit avec l’enseignant dans son nouveau chez-lui. On y va avec la voiture des religieuses. Je mettrai du crédit sur mon téléphone en passant ».

mardi 11 décembre 2018

les imprévus du pèlerinage


Lundi 10 décembre. La fête patronale de l’Immaculée sur la Colline de Notre-Dame du Kasaï et le Grand pèlerinage de l’archidiocèse de Kananga sont désormais derrière nous. Ce furent deux journées où nous avons dû accueillir l’imprévu et pu avec Marie, vivre une communion ecclésiale forte pour l’Eglise du Kasaï en ce temps incertain de campagne pour les élections du 23 décembre. 

Le temps incertain fut d’abord météorologique. Alors que le samedi de nombreux pèlerins arrivaient, la pluie s’est mise à tomber régulièrement avec des épisodes plus ou moins forts et cela a annulé toutes les manifestations de la veillée : un concert d’une chorale voisine, la célébration liturgique avec confessions, adoration et procession... Chacun a dû tant bien que mal trouver une place pour se réfugier, puis pour dormir dans notre église, dans nos lieux d’accueil, sous nos vérandas.

La pluie s’est calmée au petit matin pendant que, malgré tout, de nombreux pèlerins partaient de Kananga pour rejoindre notre colline en plusieurs heures de marche. Ils arrivaient petit à petit et furent rejoints par l’Archevêque qui fit avec les derniers groupes la montée de la colline en pèlerin à pied.
 
La messe réunit finalement plus de 7000 personnes et la célébration s’est déroulée dans d’excellentes conditions, la pluie ayant allégé l’atmosphère et réduit la chaleur. A un certain moment de la prédication de l’archevêque il y a eu comme un mouvement de foule au fond de l’assemblée, entre les derniers rangs de fidèles indisciplinés et les étals de vente de nourritures et de boissons. J’ai d’abord cru que c’était un serpent égaré qui paniqué semait la panique, mais non c’était le gouverneur de la province qui venait pour la célébration, avec un retard diplomatique et politique...

Ce qui donna des ailes à la prédication de l’Archevêque sur le comportement des chrétiens pour les élections, c’est-à-dire en faveur d’un réveil du bien commun, de la justice et de la paix politique... A ce moment au bord des escaliers de notre église, devant l’autel, un grand papillon magnifique, noir avec de gros points blancs, battait la mesure de ses ailes en même temps que les bras de l’archevêque !

samedi 8 décembre 2018

l'homélie


NOUVEAU !
66 raisons d’offrir ce livre à Noël :

Guy Luisier et François-Xavier Amherdt, L'anti-manuel de prédication, Les 66 tactiques du diable pour faire échouer une homélie, 
Saint-Augustin 2018.

OFFREZ-LE COMME CADEAU DE NOËL 
1. à votre curé ...
2. à votre prédicateur préféré...
3. à celui qui pense que son curé ne sait pas prêcher... 
4. à celle qui croit qu’elle parlerait bien mieux que le vicaire de la paroisse... 
5. à ceux qui croient que c’est facile de bien prêcher : il suffit de... 
6. à celui qui voudrait donner des cours de diction aux prêtres du secteur... 
7. à celles qui se placent en tas sous le haut-parleur...
8. à celui qui pense que c’est toujours trop long... 
9. à celle qui aurait des choses à dire, si elle était prêtre... 
10. à celle qui pense qu’on devrait remplacer l’homélie par un partage d’évangile... 
11. à celui qui pense qu’on devrait remplacer l’évangile par un partage d’homélies... 
12. à ceux qui pensent que ce n’est pas la peine de préparer un prêche pour quatre chats aux trois coins de l’église... 
13. à ceux qui pestent contre les enfants de chœur qui chahutent pendant l’homélie... 
14. à ceux qui préfèrent les sermons du curé de la paroisse d’à côté... 
15. à ceux qui ne vont plus à la messe parce que c’est toujours la même chose...
16. à ceux qui pensent qu’on sait déjà tout...
17. à ceux qui pensent qu’on a déjà entendu cela... 
18. à ceux qui pensent qu’on devrait plus parler de Dieu... 
19. à celles qui pensent qu’on devrait plus parler des hommes... 
20. à ceux qui pensent qu’on devrait plus parler des femmes... 
21. à ceux qui pensent que le diable n’existe pas... 
22. à ceux qui pensent que les haut-parleurs sont mal réglés... 
23. à ceux qui pensent qu’il faut envoyer le vicaire refaire de la théologie... 
24. à celles qui pensent que le curé est trop thomiste...
25. à ceux qui pensent que le curé n’est pas assez thomiste... 
26. à ceux qui en ont marre des sermons tiers-mondistes... 
27. à ceux qui pensent que Dieu dort aussi pendant le sermon...
28. à l’assistant pastoral qui a si bien prêché le jour où le curé était malade... 
29. à celle qui ne comprend pas pourquoi l’assistante pastorale ne fait que diriger les chants à la messe... 
30. à ceux qui voient quand le curé n’a pas préparé... 
31. à celles qui voient quand le vicaire a trop préparé...
32. à ceux qui pensent que l’Esprit n’a rien à voir dans cette affaire... 
33. à ceux qui gobent tout comme paroles d’évangile... 
34. à ceux qui aiment bien quand le curé raconte ses vacances
35. à ceux qui aiment bien quand le vicaire raconte de petites histoires
36. à ceux qui donnent à la quête un frs par minute de sermon... 
37. à ceux qui donnent 20 frs à la quête quand le sermon fait moins de 5 minutes...
38. à ceux qui se sont endormis à la dixième minute... 
39. à ceux qui rêvent des sermons terrifiants de leur enfance... 
40. à celles qui en sont restées à la théologie de leur première communion... 
41. à celui qui croit encore aux limbes...
42. à ceux qui pensent qu’on devrait parler un peu plus de l’enfer...
43. à ceux qui en ont marre qu’on leur parle comme à des bébés... 
44. à ceux qui ont peur des homélies de l’évêque...
45. à celles qui connaissent toutes les chasubles du curé...
46. à celles qui voudraient prendre la place de la dame des fleurs...
47. à celle qui pense que le curé est plus beau dans sa chasuble violette...
48. à ceux qui rêvent d’avoir un curé plus jeune...
49. à ceux qui trouvent que le curé n’emploie pas assez le subjonctif...
50. à ceux qui ne savent pas ce que c’est que l’Inquisition...
51. à ceux qui n’aiment pas les lettres de l’évêque lues en chaire...
52. à celle qui profite du sermon pour regarder les nouvelles robes des voisines...
53. à celui qui ne sait pas ce que c’est que le kérygme...
54. à celui qui a lu tout Saint Thomas d’Aquin...
55. à celles qui ne pensent qu’à la préparation du repas d’après-messe...
56. à ceux qui ne pensent qu’à l’apéro d’après-messe...
57. à ceux qui préfèrent l’apéro à la messe...
58. à celles qui ne voient pas la différence entre un sermon et une homélie...
59. à ceux qui pensent qu’on devrait parler de personnes plus importantes que Jésus...
60. à ceux qui songent à mettre un appareil acoustique...
61. à celle qui récite le chapelet pendant l’homélie...
62. à ceux qui comptent combien de fois le prédicateur dit « mes frères mes sœurs ! »...
63. à ceux qui préfèrent le sermon de KTO...
64. à ceux qui préfèrent méditer en se promenant seuls dans la forêt...
65. à ceux qui aiment l’Eglise...
66. à ceux qui aiment les sermons !

jeudi 6 décembre 2018

les transports publics


En 2015 le gouvernement a mis à disposition de la ville de Kananga (RDC) des bus qui étaient censés sillonner la ville et améliorer le transport des deux millions d’habitants pour qui le moyen de transport le plus facile était la moto-taxi, depuis que l’ancienne compagnie de bus avait fait faillite. 
 Pendant quelque temps les bus sont restés dans les garages, puis lentement on les a vu parcourir la ville et la périphérie (jusque vers notre colline) en assez grand nombre, puis de moins en moins nombreux à cause des pannes impossibles à réparer ou des copinages entre responsables qui prêtaient les véhicules à des privés contre rémunération.... L’aventure des bus publics de Kananga va à vau-l’eau.
Voilà que certains véhicules, prévus pour les trajets en ville, font désormais (en sous-traitance) des allers et retours plus longs vers des marchés et des villages de brousse sur des routes ou des pistes pas faites pour eux.
Vendredi dernier, dans l’après-midi, nous voyons débarquer sur la route secondaire de notre colline, un de ces bus qui devait aller à un marché de village éloigné de 120 km. Pour éviter un péage installé par des Chinois (qui se paient ainsi la grand-route qu’ils ont aménagée !), le bus a quitté ce tronçon pour monter sur notre colline par une route impossible et est tomber en panne devant notre maison. 
Ce bus est surchargé de passagers et de marchandises et va rester jusqu'au dimanche après-midi près de chez nous. Les passagers s’égaient assez joyeusement sur nos pelouses et sous nos auvents, font tant bien que mal leur cuisine, et dorment deux nuits dans le bus...
Quand je leur demande pourquoi ils restent là alors que la ville n’est qu’à 20km, ils disent que de toute façon ils n’ont pas d’argent pour retourner en ville, le mieux étant d’attendre que la réparation soit faite. Mais combien de temps ? Question sans aucune pertinence au Congo !
Ils n’ont payé que 5 frs suisses pour faire le trajet de 120 km en bus, on ne peut donc pas demander que le bus soit très performant, même si en 2015 il était flambant neuf...


mercredi 28 novembre 2018

la pastorale du mariage

En ce samedi, notre Colline congolaise a connu une belle célébration et fête de noces.
Deux couples du village ont demandé à recevoir le sacrement du mariage. Ce qui fut fait dans le sérieux... et la joie. Ce qui pourrait paraître comme une annonce banale (quoique de moins en moins !) pour un samedi après-midi en Europe est ici assez exceptionnel : on se marie très peu à l’église.  En effet le mariage coutumier, qui lie deux personnes (de sexes différents !) et deux familles, a une telle place dans la culture et la structure sociale des Congolais et implique un tel investissement social, affectif et financier (pour la dot et la fête), que la majorité de couples, mêmes catholiques et pratiquants, en restent là et ne s’engagent pas dans l’union sacramentelle, surtout parce que les fêtes prévisibles seraient hors de leurs moyens.

L’Eglise essaie de recadrer les choses en proposant le sacrement dégagé le plus possible d’un endettement à long terme et ancré dans une pastorale à dimension spirituelle. Mais ce n’est pas facile. 

Le fait que deux notables des hameaux de la paroisse (le responsable des jardins des Pères et un chef coutumier) s’engagent sur cette voie est prometteur et nous espérons que « cela donnera des idées à d’autres ». 

Les deux couples sont « mariés » depuis longtemps. Jean-Paul et Adolphine qui ont des enfants en bas âge, mais sont aussi plusieurs fois grands-parents. Le Chef Pierre et sa femme Elisée ont un aîné presqu’adulte et des suivants de tous les âges.

Durant la messe de mariage, il y eut un rite assez original sur un des enfants de Jean-Paul et Adolphine : Ngalamulume a environ 7 ans, s’appelle ainsi parce qu’il « vient après »  trois filles et est considéré comme ayant un potentiel de caractère un peu négatif (tétu et fort) qu’il faut contrecarrer par une bonne bénédiction et une onction de chaux sur le front et les joues. Et il a offert une poule au curé... 

Au moment où j’écris ces lignes, la noce « à la paroisse » bat son plein et vide le frigo à bières de la maison des Pères..., et demain ce sera la noce « au village », ce qui veut dire qu’on risque de n’avoir pas résolu tous les soucis d’endettement...



jeudi 22 novembre 2018

Orgueil et préjugés

Je me rends de plus en plus compte que pour être plus efficace et dynamique, il faut aussi modérer ses objectifs et rabaisser d’autant ses ambitions. Sois humble et tu seras d’autant plus fort !
Parabole congolaise... et universelle : dans une cour de notre mission, nous avions aménagé une citerne sur un socle hautain afin qu’elle puisse déverser son eau avec suffisamment de pression dans toutes les pièces de notre mission. Mais pour qu’elle puisse donner de l’eau, il faut qu’elle puisse en recevoir. Or les gouttières d’eau de pluie, manquaient de pente pour pouvoir déverser leur contenu lors des fortes averses de la saison des pluies... et la citerne, quoique d’un bleu attractif et altier, restait désespérément vide.
Il a fallu donc raccourcir la hauteur du socle, rabaisser l’orgueil de la citerne pour qu’elle puisse enfin faire son travail : accueillir de l’eau puis redistribuer pour le bonheur de tous. 
Un peu comme dans nos vies. Souvent, par rapport au monde et aux relations, nous prenons des hauteurs que notre ego trouve confortables et qui surplombent la vie des autres. Mais comment donner des leçons aux autres, si l’on est dans l’incapacité d’en recevoir ? 
Comment donner, si on n’accepte pas de recevoir, si on ne se met pas en position de recevoir ce que les autres peuvent nous donner ? Une des qualités du véritable échange c’est l’humilité d’ « estimer les autres supérieurs à soi-même » (dixit saint Paul)... Et l’on est déjà sur un bon chemin si l’on arrive à estimer les autres au moins à l’égal de soi-même.

jeudi 15 novembre 2018

la tête de Saint-Maurice

Un nouveau tournoi de football est actuellement en train d’animer le « Stade des Martyrs » de ma colline congolaise. Il met en compétition huit équipes de la paroisse et des paroisses voisines. Le premier match s’est déroulé dans de bonnes conditions et une ambiance pour le moment décontractée.
Armé d’un mégaphone qui a rendu l’âme à la fin de la première mi-temps (la faute aux piles), un papa du village commentait avec un enthousiasme communicatif les différentes péripéties de la partie entre notre équipe Saint-Mauriceet les visiteurs de Ditekemena, formation d’un des hameaux de la paroisse. 
Il se trouve que pour la beauté du spectacle, les joueurs d’ici aiment jouer de la tête et garder le ballon dans les hauteurs au lieu de le faire filer vers les filets en rase-motte. 
Ce qui veut dire que très souvent, le commentateur y allait d’un ambigu :
« Attention à la tête de Saint-Maurice», « Attention à la tête de Saint-Maurice» pour marquer que le jeu devenait dangereux quand un joueur de notre équipe locale sautait de toute son élasticité pour prendre le ballon en plein front et le renvoyer vers la cage adverse.
Ceux qui savent comment saint Maurice est entré dans le martyrologe saisiront la profondeur historique de ces :  « Attention à la tête de Saint-Maurice » !

Et voilà que Saint-Mauricea vaincu Ditekemena: 3 à 0. Avec la tête ou sans la tête. J’aurais préféré un match nul 3 à 3, car Ditekemena, cela signifie l’Espoir !


dimanche 11 novembre 2018

la dentelle

Je m’ennuyais un peu à cette messe dominicale de ma paroisse congolaise, ce jour-là trop longue à mon goût. Trop de chants, trop de danses, trop de paroles bavardes, trop de trop. Mon esprit s’échappa et se laissa distraire... par la nappe de l’autel devant moi. 

Cet autel est très large et la dentelle qui borde la nappe court sur cette largeur avec une élégance assez sophistiquée ; elle est belle et bien ouvragée mais voilà qu’à un certain moment de la jolie frise, elle est déchirée et quelques volutes de tissu ont disparu. Des souris ou des insectes ont dû faire une petite fiesta dans notre sacristie excessivement tropicale, et bien sûr personne parmi les paroissiens et les paroissiennes de la savane n’est capable de réparer ce joyau qui fut amoureusement agencé par une patiente dentellière d’au-delà des mers...

Et puis finalement, heureusement que tout n’est pas bien parfait et bien aligné dans notre liturgie. Heureusement qu’il y a des espaces d’amélioration possible, heureusement qu’il y quelques déchirures et quelques ratés sur dans les différents tissus de nos humanités.

Sans doute nos marges de progression, alliées avec une bonne dose d’humilité, sont le piment de nos existences et le sel de nos relations. J’ai décidé de ne rien faire pour réparer la dentelle abimée car elle me permet de méditer même quand le tohu-bohu liturgique de la messe africaine me tape sur les nerfs comme un tam-tam endiablé.  

samedi 3 novembre 2018

Cache-cache

Ce dimanche c’est la fête de la Toussaint sur la Colline et au Congo où la plupart des solennités sont renvoyées au dimanche suivant. On me confie la messe et j’ai décidé de prêcher sur l’antienne du jour : Voici le peuple immense de ceux qui t’ont cherché.
 Pour la première fois je me rends compte qu’un saint c’est davantage quelqu’un qui a cherché que quelqu’un qui a trouvé ! D’ailleurs, saint Augustin, le patron de notre communauté ,avait eu cette intuition profonde que, même quand on croit avoir trouvé Dieu, il faut encore le chercher tant il est au-delà de ce que l’on peut imaginer. Puis un jour, on le trouve vraiment et c’est le Jour Eternel...
Cela m’a fait penser à cette petite histoire juive que raconte Elie Wiesel : 
« Le petit-fils de Rabbi Baroukh, Yéhiel, se précipita en larmes dans sa chambre.
— Yéhiel, Yéhiel, pourquoi ces larmes ?
— Mon ami triche, ce n'est pas juste grand-père, ce n'est pas juste pour un ami de tricher !
— Mais qu'a-t-il donc fait, ton ami ?
— Nous jouions à cache-cache. Je me suis si bien caché qu'il n'a pas pu me trouver ; alors, il s'est arrêté de jouer, il n'a plus cherché. Tu comprends, grand-père ? Moi, je me suis caché et, lui, il ne m'a pas cherché, ce n'est pas juste !
Rabbi Baroukh, bouleversé, se mit à caresser la tête du petit garçon, et des larmes lui coulèrent des yeux : 
— Dieu aussi, Yéhiel, murmura-t-il, Dieu aussi est malheureux. Il se cache et l'homme ne Le cherche pas. Tu comprends, mon petit Yéhiel ? Dieu se cache et l'homme ne se donne même pas la peine de Le chercher.  »

mardi 30 octobre 2018

Kinshasa et Jéricho

Retour au Congo après mon séjour de 4 mois en Suisse. Je suis en transit à Kinshasa... et à Jéricho. En effet, à la messe de la cathédrale de la capitale congolaise, l’évangile de Saint Marc nous emmène aux portes de Jéricho où un pauvre aveugle mendiant Bartimée a la chance de sa vie : il rencontre le Sauveur du monde et de ses yeux ! 

Plus tard dans l’après-midi nous allons en bordure de la ville découvrir un superbe point de vue sur le fleuve Congo et Brazzaville, la capitale de l’autre rive.

L’endroit, assez bucolique, est une suite de bars improvisés sur des pelouses ombragées au bord d’un des fleuves les plus puissants du monde. Nous choisissons une terrasse à côté d’une autre qui s’appelle... Jéricho. 

Aux portes de cette deuxième Jéricho de la journée, nous partageons une bière assez fraîche avec une nuée de sympathiques petites mouches lorsque des Bartimées d’aujourd’hui veulent attirer notre attention : l’un d’entre eux veut me vendre des grillons grillés en brochettes, un autre des fourmis en vinaigrette, un troisième fait un spectacle de contorsionniste juché sur un entassement improbable et vertigineux de grosses boites de conserves.

J’ai renvoyé les vendeurs d’insectes à leur démarche mercantile et donné quelques petits billets à l’enfant qui présentait le chapeau du contorsionniste... Je sais bien que chaque chrétien est par nature collaborateur du Sauveur du monde, mais que faire quand la misère du monde tourne comme les mouches au-dessus du fleuve Congo ?

mercredi 12 septembre 2018

l'architecture religieuse

Toute la façade du transept de l’abbatiale romane de Romainmôtier (VD, Suisse) ouvre des yeux étonnés et une bouche ahurie :
Parce que tout le monde regarde en l’air mais n’a pas l’air de croire au Très-haut... 
Parce que tout le monde se comporte comme des touristes alors qu’il faudrait être des contemplatifs...
Parce que tout le monde parle fort, alors que la grande richesse du roman c’est le silence qui sourd du fond des pierres...
Parce que tout le monde trouve cela beau, mais n’est pas capable de savoir pourquoi...
Parce que tout le monde sort son portable pour photographier, alors qu’il serait plus simple d’ouvrir son cœur pour simplement regarder...
Parce que certains osent même des flashes, alors que la lumière romane est mélodie discrète et sereine...

Les églises romanes ont encore beaucoup de crève-cœurs à supporter, mais leur cœur est solide, plus solide que le coeur volage de ceux qui les visitent entre un restaurant et un magasin de souvenirs. 

samedi 11 août 2018

les cathédrales



J’ai eu la chance récemment de passer un week-end à Madrid.
Faisant face au palais royal, la cathédrale est un bel édifice néo-gothique assez récent (parce que l’archidiocèse de Madrid est lui-même plutôt récent). Elle a été consacrée par le Pape Jean-Paul II. Tout y est beau, ample et solennel mais avec un goût humble, presque candide. Même les symboles y ont une portée de simplicité. Par exemple le plafond. La voûte est peinte de motifs décoratifs et géométriques qui évoquent des branches et des palmes enlacées ou juxtaposées.  
Cela m’a fait penser immédiatement à la fête des huttes (soukkot) de la tradition juive. Pour rappeler la condition précaire du Peuple d’Israël au désert, durant cette fête, les Juifs construisent des huttes de palme et branches où ils vivent le temps des réjouissances et des prières. Il paraît que le toit de ces cabanes doit être fait de branchages pour qu’on puisse voir les étoiles à travers !
Le contraste et le rapprochement de l’immense cathédrale et des petites huttes sont étonnants ; les colonnes de pierre s’élancent vigoureusement vers le ciel où les attendent ces dessins subtils qui parlent de branches et de palmes et, derrière, des étoiles et du ciel ! 
Tout cela a du sens :  même si les églises, les cathédrales ont mille ans ou plus et se structurent de pierres vigoureuses, ce ne sont que de petites huttes de branchage à l’échelle de l’éternelle Présence bienveillante qu’elles protègent et qui les protège. 

lundi 16 juillet 2018

les églises pendant les vacances

Le monsieur s’est mis au centre du rond dessiné sur le sol de l’église par un beau marbre brun. Il a respiré profondément. Il a mis ses avant-bras en avant, il a joint trois doigts de chaque main et les a dirigés vers le haut. Il a fermé les yeux et bougé ses lèvres dans une prière très secrète. Sans doute croit-il aux ondes spirituelles qui montent du sol depuis si longtemps ou descendent de la grande mosaïque octogonale du plafond : trois par côté, les 24 Anciens de l’Apocalypse jettent leur couronne vers le Christ et son trône.  

Je suis assis sur une chaise pas très loin de lui ; je prie à ma manière à moi, tout en regardant ce qui se passe autour de ce pèlerin new age qui prie à sa manière à lui... Il ne me paraît pas le plus dangereux de ce petit monde. D’autres semblent n’avoir même pas compris qu’ils se trouvaient dans un des lieux les plus « magiques » de l’Occident, parlent de tout et de rien, et tout haut, ne s’arrêtent que pour régler le mode photo de leur téléphone portable.

Je suis dans la chapelle palatine de la cathédrale d’Aix-la-Chapelle. Depuis 1200 ans, depuis que Charlemagne, couronné par le pape à Rome, a bâti cette merveille octogonale toute de marbre et d’orientales mosaïques, elle a dû en recevoir des visiteurs ! Ceux de ce siècle sont-ils pires que ceux qui dans leur crasse d’autres siècles venaient y faire une pause en allant vers Compostelle ou vers leurs affaires ? Charlemagne me le dira lorsque nous nous rencontrerons devant le Christ en Gloire.

mardi 10 juillet 2018

les migrants et les contradictions d'une droite dure!




En parlant de droite dure, je ne pointe pas particulièrement un parti politique mais un état d’esprit qui manque singulièrement de largeur de vue et grandeur d’âme sur les sujets sensibles qui occupent la Suisse et le continent européen.
Je parle depuis ma position propre : je suis prêtre et je travaille 7 mois par année en République « démocratique » du Congo, un pays à la dérive au point de vue politique et économique, et 5 mois à la cure paroissiale de Saint-Maurice où je vis avec une famille de réfugiés érythréens.
Il faut le dire clairement il n’est pas souhaitable ni tolérable que des milliers de migrants s’enlisent sur les routes maritimes ou terrestres de l’Europe. Ces gens doivent pouvoir rester chez eux et y vivre une vie digne et décente. Pour une certaine philosophie, issue tant de l’Evangile que des Lumières, chaque humain doit se sentir responsable de tous les autres : cela implique de la lucidité sur la situation de certaines parts d’humanité en énormes souffrances tant matérielles que psychologiques et spirituelles. 
Ma famille de réfugiés de la cure de Saint-Maurice a souffert du contexte surmilitarisé de l’Erythrée d’aujourd’hui qui n’offre nulle autre perspective que des casernes ! Mes paroissiens du Congo peinent à sortir des conséquences de la guerre civile de 2017 qui a laissé les populations exsangues, vivant aujourd’hui dans la malnutrition avec moins d’un dollar par jour !
A cela s’ajoute une démographie en Afrique subsaharienne qui déjoue toutes les prévisions et croît de façon exponentielle. Ce ne sont pas les théories morales ou hygiénistes, qui enrayeront la courbe mais le développement. Dès que les familles vivent mieux, le nombre d’enfants décroît. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Si nous voulons que ces populations restent chez eux, et c’est très souhaitable pour tous, il faut impérativement mettre au point des politiques de développement, de solidarité et de lutte contre les malgouvernances. 
Or les signaux politiques vont à l’inverse. Récemment notre ministre des affaires étrangères proposait d’assouplir les règles de vente d’armes aux pays en guerre civile (pour ne pas mettre en péril des emplois). De plus nos autorités préfèrent se mettre du côté des multinationales qui pillent, violentent les pays du Sud et les maintiennent dans le sous-développement. Graves manques de largeur de vue ! Ou alors cynisme sans fond. 
Il est pourtant facile, même avec une pointe de cynisme, de comprendre que si tout l’argent (toujours plus) dépensé à accueillir et à débouter les réfugiés était dépensé pour investir dans les pays du Sud et  dans la lutte contre les mafias militaires, économiques et politiques, tout le monde y gagnerait.  Certains pays d’Europe commencent à réfléchir dans cette direction ; la Suisse accroîtrait son influence si elle était dans le peloton de tête de ce mouvement. De plus une telle vision s’apparente à la pensée du Pape telle qu’il l’a exprimée notamment dans l’avion au retour de Genève.
Sans un changement de vision, dans peu d’années ce seront des centaines d’Aquarius qui voudront accoster en Europe. Les forteresses tenues par des petits tomberont sous des assaillants trop nombreux ! Essayons d’être grands.