jeudi 30 avril 2020

notre cloche





La cloche de notre clocher n’a, semble-t-il, jamais servi. 


Hier. Les infrastructures religieuses de la colline (l’église, la belle chapelle mariale, le clocher et la maison des prêtres) ont été inaugurés en grande pompe par les évêques de la Province ecclésiastique de Kananga en 1991. C’était à l’occasion du Centenaire de la  fondation de l’Eglise du Kasaï en 1891, par le Père Cambier, un père belge de la congrégation des Scheutistes encore très présente dans la région... 


Pour ce jubilé, les 8 archevêque et évêques kasaïens ont décidé de consacrer cette colline à Marie, Notre-Dame du Kasaï et d’en faire un lieu de pèlerinage. Aujourd’hui depuis 2012, c’est à nous, les Pères de Saint-Maurice qu’est confié ce sanctuaire marial. 
Mais en 1991, lors de la messe inaugurale qui eut lieu sur la vaste esplanade de la colline, on raconte - mais est-ce une légende - qu’à  un moment donné, l’archevêque a crié : « Et maintenant que sonne la cloche ! » Silence... « Et maintenant que sonne la cloche ! » Mais la cloche a boudé jusqu’aujourd’hui... Elle ne sert qu’à soutenir des nids d’oiseaux, d’insectes et peut-être même de serpents. La stabilité du clocher très élancé n’étant pas très assurée à cause de certaines briques endommagées par les intempéries, personne ne monte là-haut pour voir comment va la boudeuse et essayer de la raisonner pour qu’elle résonne !


Aujourd’hui. Pour la petite histoire, on alerte les gens des hameaux des alentours, de l’imminence de la messe, au moyen d’un bout de rail de chemin de fer, suspendu à un manguier qu’un des balami (auxiliaires pastoraux) de la paroisse frappe avec un gros morceau de métal de récupération. Le son est très campanaire !



Demain. Nous avons le projet, à moyen ou long terme, de créer un petit campanile tout proche de l’église pour y installer une vraie cloche qui enverrait son chant à la ronde, jusqu’à l’archevêché à 12 km, afin que Monseigneur sache que la Colline prie pour lui et les siens. 


mercredi 29 avril 2020

jeudi 23 avril 2020

la contamination

Grand émoi l’autre jour à Kananga, la capitale du Kasaï à 15 km de notre Colline. Un homme excité arrive en trombe à l’hôpital général en criant : «  Je suis contaminé, je suis contaminé. » Tout le monde s’enfuit, même les soignants pris complètement au dépourvu, puis après que le sang-froid, le calme et les infirmiers furent revenus, on s’occupe du malade, on lui demande d’où il vient : - «De Gombe (le quartier confiné de Kinshasa, à 800 km), je me suis enfui et je suis arrivé ici chez nous ! » On essaie d’en tirer plus, pour faire un traçage de l’éventuelle contamination, mais l’homme semble épuisé et affamé. De bonnes âmes le dirigent alors vers le bloc de la maternité où toujours des dames font la cuisine pour les jeunes mamans. Dans la plupart des hôpitaux du Sud du monde, il n’y a pas de cuisine hospitalière, ce sont les familles qui nourrissent les patients et s’occupent de leurs linges...
L’homme est nourri par quelques mamans charitables... Puis il s’enfuit en lâchant : «  Je ne suis pas malade, mais j’avais trop faim ! »
On m’a raconté cette histoire assez drôle mais surtout assez emblématique de la situation des pays pauvres face à la pandémie. Comment gérer médicalement les problèmes sanitaires quand la population est écrasée par les problèmes économiques, quand la faim est un défi plus grave que le virus ? Je n’ai bien sûr pas de solutions mais ne peux qu’espérer que l’Afrique reste encore un peu le continent épargné par la pandémie, et se sorte d’affaire avec des dégâts dérisoires en comparaison avec l’Europe. Elle doit affronter suffisamment d’autres catastrophes.

lundi 20 avril 2020

la mort d'un évêque du Kasaï

Voici un article de cath.ch

Mgr Mulumba saluant son neveu, le Président de la République!

Mgr Gérard Mulumba, évêque émérite du diocèse de Mweka, dans la province du Kasaï, en République Démocratique du Congo, est décédé à l’âge de 82 ans, le 15 avril 2020 à la clinique Ngaliema de Kinshasa. Il est le premier prélat africain victime du coronavirus.
Au lendemain de son décès, l’Eglise catholique en Afrique a enregistré la perte d’un autre prêtre africain suite à une infection de COVID-19. Le Père Raaga Justin Savadogo, 67 ans, du diocèse de Ouahigouya, au nord du Burkina Faso, est décédé le 16 avril.

«Mgr Mulumba avait été admis à la clinique Ngaliema quelques jours auparavant», a annoncé la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) sur son site officiel. Mgr Mulumba avait dirigé le diocèse de Mweka pendant 28 ans, succédant au Belge Marcel Van Rengen sur le siège épiscopal de Mweka (RDC).

Frère cadet de feu Etienne Tshisekedi, ancien président national de l’»Union pour la démocratie et le progrès social» (UDPS), Mgr Mulumba sera nommé le 21 mai 2019 par son neveu, l’actuel Président de la République, Félix Antoine Tshisekdi, chef de la Maison civile du Chef de l’Etat.

Le covid-19 avance en RDC
Le décès de Mgr Mulumba a eu lieu dans à un moment où la RDC est confrontée à la montée du Covid-19. Jusqu’au 19 avril, le pays totalisait 327 cas, dont 25 décès et 27 guérisons.

Après le Cameroun, avec 1’016 cas déclarés (dont 42 décès et 305 guérisons), la RDC est le deuxième pays d’Afrique centrale à avoir le plus grand nombre de malades du Covid-19. Le pays fait partie des 11 pays membres de l’Union africaine (UA) qui comptent le plus grand nombre de malades du coronavirus, selon le bulletin quotidien du «Centre africain de contrôle et de prévention des maladies» (CDC Afrique).

Le cardinal Ouédraogo est guéri
D’autre part, le cardinal Philippe Ouédraogo, archevêque de Ouagadougou et président du «Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar» (SECAM) s’est remis de la pandémie. Il avait été déclaré positif le 30 mars 2020 et admis dans un hôpital de la capitale du Burkina Faso.

«Le cardinal va mieux maintenant. Il avait quitté la clinique ‘Les Genêts’ au début de son traitement et a été transféré à la Polyclinique internationale de Ouagadougou», a déclaré le chargé de la communication de la Conférence épiscopale du Burkina Faso et du Niger (CEBN), le Père Paul Dah, cité par l’agence de presse ACI Afrique. (cath.ch/ibc/dp)

vendredi 17 avril 2020

le béton



Au Kasaï, il y a une lutte incessante entre le béton et le climat. Pluies abondantes et grosses chaleurs se coalisent volontiers pour affaiblir, fragiliser et détruire le béton des murs et surtout des parterres. Des fissures apparaissent et s’agrandissent, des trous se forment. A mon grand dépit. Il faut donc observer attentivement les surfaces et déceler les petits fosses à boucher avant qu’elles ne deviennent des gouffres et des abîmes. Je profite de la présence de notre maçon attitré et d’un sac de ciment en surplus pour faire une tournée d’inspection.
Comme c’est beau, le béton ! Je vois des surfaces polies par des milliers de coups de balais, par des centaines de passages de torchons ; elles présentent un irisement subtil de gris et de bruns, absolument somptueux. Une carte de géographie lunaire se dessine, sur laquelle les petites lignes du maçon originel se lisent encore et où s’écrivent de nouvelles histoires rayées ou moirées. Magnifique.
Et voilà qu’un papillon fourbu se pose, étale ses grandes ailes noires avec leurs délicates taches claires. Et mon béton devient un Versailles pour un Roi éphémère...
La beauté se cache partout. Il faut la guetter avec patience et naïveté. Enlever ses a priori négatifs pour accueillir la possibilité d’un miracle, jusque sur une surface en ciment.
Et si c’était vrai aussi pour les bétons affectifs, les bétons intellectuels et culturels, les bétons spirituels ?

samedi 11 avril 2020

Pâques

Pour les Congolais du Kasaï, locuteurs du tshiluba, une des difficultés de la prononciation française est la grande variété des sons «e », depuis le son du é, jusqu’au « eu » en passant par les è, ê, ai... Je ne m’étais (ici trois sons « e » différents !) jamais rendu compte auparavant de cette complexité.  
Comme formateur au noviciat, j’essaie de réguler les prononciations fautives sans y ajouter des confusions avec mon accent valaisan ! L’autre soir à la prière, un novice proclame un passage de la première lettre de Pierre (1,18) : «  Vous le savez : ce qui vous a libérés de la vie sans but que vous meniez à la suite de vos peurs... »
Je tique. Il devait dire «à la suite de vos pères ». Puis je trouve  - pardon, saint Pierre ! – que ce n’est pas plus mal. Souvent nous gâchons notre vie à la suite de nos peurs : peur de ne pas être à la hauteur, peur de l’opinion des autres, peur de ne pas avoir assez, peur de ne pas en faire assez, etc. Quel terrible cortège derrière lequel nous traînons parfois nos jours.
Je suis persuadé que Jésus, homme parfait et parfaitement Dieu, a la capacité de nous libérer de tout cela. Par sa passion et sa résurrection, il est allé humainement au-delà de toute peur et il nous en libère si nous nous laissons faire par sa personnalité à la fois si douce et si forte. Pierre a montré à plusieurs occasions qu’il était un peureux, mais un peureux si attachant. Laissons-le continuer : «  ce qui vous a libérés..., c’est le sang précieux du Christ, l’Agneau sans défaut et sans tache. »


vendredi 10 avril 2020

jeudi 9 avril 2020

le Vendredi Saint


Il croise
nos pas
nos «  ne pas »
nos « non »
nos noms 


la faim ou le coronavirus

VOICI UN INTERESSANT ARTICLE SUR LA CRISE EPIDEMIOLOGIQUE DANS LES PAYS DU SUD !
(Yves Magat, dans Bon pour la tête)


Mourir de faim ou du coronavirus?

De plusieurs endroits d’Afrique et d’Amérique latine sont lancés des appels à ne pas suivre aveuglément les consignes de confinement décidées en Europe, Asie, Etats-Unis.

Ainsi la célèbre chanteuse ivoirienne Dobet Gnahoré a posté sur sa page Facebook une vidéo d’un villageois expliquant les difficultés du confinement dans le mode de vie africain: «Nous n’avons pas de portes, comment pouvons-nous nous enfermer?!» Et ce villageois ajoute que ce genre de mesures copiées sur l’Europe sont irréalisables en Afrique où les femmes cuisinent ensemble dans la cour de la maison ou dans la rue. «Les mesures que les Africains doivent prendre doivent être décidées chez eux», dit-il.

Expérience de l'Ebola et du paludisme

En outre, sans simplifier la diversité continentale africaine, les attitudes à l’égard de la maladie et de la mort sont souvent différentes des nôtres. Plusieurs pays ont eu l’expérience du virus Ebola et chaque Africain a subi un jour ou l’autre une crise de paludisme. Un peu partout on invoque des ressources mystiques traditionnelles pour se protéger du virus, comme par exemple à Abomey au Bénin. Il s’agit d’un patrimoine culturel qui vaut bien nos processions religieuses!

Le villageois anonyme du video-clip évoque aussi la fermeture des marchés décidée sur le modèle européen: «Vous pensez qu’on va déterrer le manioc pour le mettre au frigo? manioc au supermarché?! Le confinement nous tuera plus que le virus.»

Pas de réserves de nourriture

Même constat dans l’agglomération de Nairobi. Stephen Kimiri, un jeune Kenyan très engagé dans sa communauté, m’explique via WhatsApp que ses voisins n’ont pas les moyens de vider les supermarchés comme nous l’avons fait en Europe. Ils vivent au jour le jour et achètent leurs provisions au marché au fur et à mesure de leurs maigres rentrées d’argent. «Et maintenant que les marchés sont fermés, les gens vont mourir de faim, m’écrit-il. C’est surtout grave pour les petits enfants en croissance.»
Propriétaire d’une petite pâtisserie à Lumuru il a décidé d’arrêter sa production habituelle de gâteaux pour fabriquer massivement des biscuits hypernutritifs.
La distribution auprès de familles dans le besoin a déjà commencé avec l’aide de bénévoles de la Croix-Rouge kényane: «Avec six biscuits enrichis par jour, les jeunes enfants peuvent tenir pendant deux semaines.» Il vise un total de 1'800 enfants. Ce projet généreux, «Covid-19 – Kenya: Help!» soutenu par une modeste collecte de fonds n’est toutefois qu’une goutte dans l’océan. Déjà dans l’immense capitale kényane, Nairobi, le mécontentement de la population, violemment réprimée par la police, est en train de dégénérer.

En Colombie: le remède pire que le mal

De l’autre côté de la planète, en Colombie, des mises garde analogues sont lancées. Sebastián Toro, professeur à l’Université pontificale bolivarienne de Medellin, dit se plier de bonne grâce au confinement à la condition que ce soit de courte durée. «Attention à ce que le remède ne nous coûte pas plus de vies et de misères que la maladie», écrit-il dans son blog. Ce professeur d’économie explique les conséquences désastreuses sur la société que peut avoir un confinement prolongé. «Et quand on parle d’économie, précise-t-il, on ne parle pas de banquiers avec chapeau et cigare jouant à la bourse. (…) Si l’économie s’effondre, beaucoup de monde se retrouvera à la rue et n’aura plus de revenu.»
Et il ajoute avec un humour sombre: «Il est vrai que ceux qui meurent de faim n’ont pas accès aux réseaux sociaux, que la faim n’est pas contagieuse, (…) que l’ex-président du Real Madrid n’est pas mort de faim et donc personne ne sera au courant de leur situation.»
D’autres messages me parviennent de Colombie où les locataires ayant perdu leurs revenus à cause de l’épidémie sont expulsés sans états d’âme, faute de pouvoir continuer à payer. La situation est particulièrement dramatique pour les deux millions de migrants vénézuéliens installés dans ce pays avant que la frontière ne soit fermée. «Où vais-je aller dormir?», m’écrit une réfugiée vénézuélienne désespérée qui était parvenue jusque-là à vivoter par de petits boulots maintenant inexistants.

Dans les favelas

Plus au sud, dans les favelas brésiliennes, les conséquences du confinement se font aussi lourdement sentir. La topographie de ces quartiers, surtout à Rio de Janeiro, rend la mesure illusoire. Et la fermeture des petites boutiques ainsi que la paralysie du secteur informel de vente dans la rue plongent dans la misère des millions de favelados. Avec à la clé de potentiels troubles sociaux. D’ailleurs le président brésilien Bolsonaro, parfait démagogue, s’est fendu de déclarations incitant les gens à reprendre leurs activités, en contredisant son propre ministre de la santé et les gouverneurs des états.
Il a ensuite fait machine arrière mais de nombreux commerces avaient entretemps rouvert leurs portes. Là aussi, comme le dit le villageois africain cité plus haut, chaque pays doit adapter sa stratégie à sa situation économique, sociale et culturelle. Importer des modèles tout faits d’Europe ou d’ailleurs serait du néo-colonialisme sanitaire.

Yves Magat

mercredi 8 avril 2020

le Jeudi Saint

D’UN PEU DE PAIN 
JAILLIT UN CORPS VIVANT
D’UN PEU DE VIN
UNE ETERNITE DE CHANTS

Fête à tous, et particulièrement aux prêtres


la sorcellerie et l'école

Sur cette image vous voyez une rédaction humoristique qui ne provient pas des écoles de notre colline au Kasaï (trouvée sur Facebook):

Pourtant nous n’en sommes pas loin. Ces temps, dans le confinement partiel de notre province, toutes les écoles sont fermées et, en l’absence d’enseignement à distance par internet, les jeunes sont désoeuvrés. 
J’ai donc proposé aux finalistes (qui se préparent au baccalauréat congolais) des villages de la colline des exercices de dissertation. 
Un des thèmes : Avoir des enfants est le plus grand bonheur qui puisse être donné aux hommes.
Ils sont plutôt d’accord. Et parlent des avantages d’avoir des enfants comme garantie pour l’avenir. Mais parmi les arguments de l’antithèse, j’ai trouvé surtout celui-ci :
Il y a des enfants qui utilisent les fétiches pour ensorceler leurs parents et c’est un grand malheur.
Ceux qui écrivent cela sont des jeunes de 19 ans, au Kasaï RDC, en 2020. 

dimanche 5 avril 2020

samedi 4 avril 2020

les vaccins

Trésor, l'infirmier de notre poste de santé de la Colline
L’Afrique voit arriver avec inquiétude l’épidémie de coronavirus dans ses divers pays. Mais bizarrement  elle semble, sur les réseaux sociaux, plus inquiète par le vaccin que par le virus.
En RDC en tout cas les théories complotistes font rage et se répandent de façon virale. Ainsi les Américains, les Chinois, les Européens voudraient que ce soient les Africains qui les premiers essaient les vaccins qui sont en train d’être étudiés et fabriqués. En gros, la médecine internationale veut faire des pays africains les cobayes dans les thérapies inventées pour enrayer la pandémie. 
On s’emporte contre ce nouvel impérialisme, contre cette arrogance des riches contre les pauvres qui n’ont pas les moyens de se défendre et qui vont accepter de risquer leur vie pour mettre au point des vaccins que les riches ne prendront que lorsqu’ils seront sûrs. 
Il semble qu’effectivement, sous couvert d’altruisme humanitaire, des associations ou des fondations font des propositions aux gouvernements pour des campagnes de vaccinations ou de distributions de médicaments. Gratuites ou à bas prix.
Le débat a raison d’être. Et les populations fragiles ont le droit d’être informées sur ce qu’on leur offre si généreusement... 
Le problème est que l’agitation médiatique risque de rendre difficiles les mesures gouvernementales de précaution et de prévention. Comme on ne croit plus en rien, on ne va pas obéir, on ne va pas se confiner, on va refuser toute médications et toute thérapie. Et le pire sera rapidement là...

PS. Situation au 4 avril en RDC : 14 nouveaux cas confirmés. Total : 148 cas, 16 décès

Florilège trouvé sur Facebook










mercredi 1 avril 2020

la situation en Afrique au début avril

Est-ce le calme relatif avant une tempête? Pour le moment la situation sur ma Colline kasaïenne est presque normale. Ce qui est surtout pénible, c'est le tri des informations - justes, un peu fausses, totalement mensongères ou fantaisistes - qui circulent sur les réseaux sociaux ou informatifs...


Article de "La Croix" du 1er avril 20 :

L’Afrique entre dans la crise du Covid-19
Le coronavirus est en train de s’étendre sur le continent. Au 30 mars, 46 pays africains étaient touchés par le virus. Les mesures de confinement se généralisent tandis que l’Union africaine et l’OMS tentent d’organiser la riposte contre la pandémie. Beaucoup craignent une catastrophe à venir.
La contamination n’est pas encore foudroyante mais elle n’épargne plus le continent africain. Au 30 mars, le Bureau Afrique de l’OMS enregistrait 4 613 cas de Covid-19 et 131 morts. Sur les 54 États du continent, 46 sont désormais infectés par le virus. Une situation moins dramatique qu’en Europe et aux États-Unis. Mais sans doute aussi, très largement sous-estimée.

La mobilisation

De nombreux pays ont informé leurs populations des mesures barrières à respecter, plus ou moins suivies : « ici à Douala (Cameroun, NDLR), presque tout le monde est dehors », confiait Pauline, une habitante, fin mars.

Dès la mi-mars, plusieurs pays comme le Rwanda ont adopté des mesures de confinement partiel. Elles se sont répandues en Afrique de l’Est, australe, centrale, de l’Ouest, du Sahel et en Afrique du Nord : déplacements limités, fermeture des restaurants et des cafés, instauration du couvre-feu le soir.

Le confinement total

Un nouveau tournant a été pris ce week-end avec l’adoption du confinement total. Depuis le 28 mars, 57 millions de Sud-Africains ne sont plus autorisés à sortir de chez eux pendant une période de trois semaines. Les habitants du Zimbabwe et des villes-monde comme Lagos et Abuja au Nigeria, sont également confinés depuis lundi 30 mars tandis qu’en Côte d’Ivoire, le gouvernement a interdit la circulation des personnes entre Abidjan et l’intérieur du pays.
Adoptée, cette mesure n’est pas nécessairement respectée. Au total, 31 pays ont fermé leurs frontières et 12 ont suspendu leurs liaisons aériennes internationales.

L’Union africaine à la manœuvre

De son côté, l’Union africaine (UA) tente d’apporter une réponse globale à la pandémie à travers son agence, le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CACM). Dirigé par le microbiologiste camerounais John Nkengagsong, le CACM est mobilisé depuis le 28 janvier.
En coordination avec l’OMS, il entend renforcer la coopération entre les pays africains en créant des réseaux régionaux, sur le modèle de ce qui a été fait pour lutter contre Ebola. Le CACM a également activé le Centre des opérations d’urgence (COE), une équipe d’intervention rapide engagée en Afrique de l’Ouest en 2014 et en République démocratique du Congo en 2017.

Les obstacles

Cependant, cette mobilisation nationale et panafricaine se heurte à de nombreux obstacles pour contenir l’épidémie. En premier lieu, les mesures barrières. « Se laver les mains régulièrement dans un continent où l’accès à l’eau est difficile pour la majorité de la population ne va pas être simple », souligne Augustin Augier de l’ONG Alima.
La distanciation sociale, comme le souligne la romancière camerounaise Hemley Boum sur sa page Facebook, est un vrai problème : « Dans les villes, la plupart des gens vivent en cour commune, partagent les mêmes douches, les mêmes toilettes. La plupart des gens gagnent leur vie au jour le jour. D’où l’expression « rationner », le père de famille laisse l’argent pour la ration du jour. Et il sort pour gagner celle du lendemain. On ne se rend pas compte à quel point un frigo, avec 2-3 jours de stock de nourriture est un privilège. »
Le 29 mars, le président du Bénin, Patrice Talon, a déclaré que son pays n’a pas les « moyens des pays riches » de confiner sa population. Plus grave, les infrastructures sanitaires dont dispose le continent sont très insuffisantes pour accueillir les 15 % de patients du Covid-19 qui vont requérir une hospitalisation. L’Afrique de l’ouest compte 0,3 lit d’hospitalisation pour 1 000 habitants là où la France en compte 6,6.

La crainte d’une catastrophe

Pour toutes ces raisons, Denis Mukwege, le Prix Nobel de la Paix, dit redouter une terrible catastrophe pour l’Afrique. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres évoquait, le 27 mars, l’hypothèse de « millions de morts ». L’OMS ou la France en appellent à une mobilisation urgente et internationale pour le continent.
Un appel qui commence à être entendu par les partenaires de l’Afrique. Alors qu’au début de l’année, seuls deux pays africains disposaient de laboratoires capables de diagnostiquer le Covid-19, désormais, ils sont plus d’une quarantaine.
Des particuliers et des entreprises se mobilisent aussi pour appuyer le continent. L’entreprise d’infrastructure panafricaine Arise a commencé à livrer des millions de masques et de vêtements de protection, des thermomètres sans contact, des caméras thermiques et du gel désinfectant.
Enfin, le milliardaire chinois Jack Ma - fondateur et président du site de commerce en ligne Alibaba -, a offert 1,5 million de kits de diagnostic en laboratoire et 100 tonnes de produits de prévention des infections à l’Union africaine.