Michel-Marie Zanotti-Sorkine, Le
Passeur de Dieu, Robert Laffont 2014
D’habitude j’aborde l’abbé Zanotti-Sorkine à
reculons, un peu agacé par la soutane lustrée et les dents blanc-marial. Mais
là je suis soufflé. Le passeur de Dieu est un excellent roman
d’initiation et de méditation spirituelle, d’une écriture humble et très
poétique.
Le récit est à la première personne. On y
entre donc allégrement à côté d’un sympathique narrateur, paumé à Paris,
journaliste égaré à 30 ans dans un très ordinaire désert existentiel...
Puis on est pris avec lui par la main et
conduit vers un moine haut en couleurs : le Passeur de Dieu. Ce
personnage, concentré d’ermites, de sages et de starets de toutes les hauteurs
et profondeurs spirituelles du christianisme, nous guide vers quelques sources
oubliées qui chantent au fond. Et voilà que petit à petit, en douce, on revit,
on retrouve le sens du réel, le sens de soi et le sens de Dieu.
J’ai apprécié la magnifique catéchèse sur l’Eucharistie
qui nous est, l’air de rien, proposée au milieu du roman. Et, même si la
deuxième partie devient peut-être un peu trop bavarde dans le silence d’un
ermitage monastique (il faut bien trouver des défauts pour qu’une recension
sonne vrai !), on finit par trouver qu’il vaut la peine de marcher
simplement puisque Dieu est simple et marche avec nous.
Pour ne pas raconter la fin, laissons ici deux
magnifiques citations.
D’abord celle mise en préface du livre : « Pour nous porter un peu d’eau
fraîche, les grandes âmes font la chaine du fond de l’éternité. »
(Montherlant)
Et puis cette belle réflexion sur la
profondeur du réel :
« Que
savons-nous, même du réel ? Seule l’apparence est livrée, le reste est
caché, grâce à Dieu sans doute, car on ne peut vivre que d’extases. C’est sans
doute avouer que le réel, s’il se dévoilait dans ses beautés souterraines, nous
écraserait de toute sa splendeur. Mieux vaut donc en rester à la surface des
choses, et au fond, garder quelques surprises pour le dernier jour. »
(p.103)