Un poète grec Elias Venezis (1904-1973) raconte, dans une merveilleuse histoire, comment un vieux paysan sage lui a ouvert le cœur aux vraies réalités de la vie en l'invitant à l’écoute du silence.
Devant le poète encore enfant et la sœur de celui-ci, le vieux paysan était en train de greffer un petit arbre. Silencieusement, religieusement il a coupé de son couteau une baguette, en sépara la greffe, puis entailla l'écorce du sauvageon, en enleva un morceau et mit à sa place un morceau de la baguette. Puis il lia très serré le corps étranger au corps de l'arbre...
Il avait fini; il se tourna vers moi et me dit
"Colle ton oreille contre le tronc de l'arbre !"
J'appuyais ma tête contre le tronc de l'arbre. Et lui fit de même.
"Entends-tu quelque chose?" fit-il dans un murmure.
"Rien. Non je n'entends rien."
"Moi pourtant j'entends", murmura-t-il et sa voix paisible vibrait d'une joie profonde.
"Moi pourtant j'entends", répéta-t-il.
Il m'expliqua qu'il entendait le sang de l'arbre auquel il avait pris l'écorce de la greffe, qu'il l'entendait s'écouler lentement dans le sang du tronc et se mêler à lui.
"Quand tu aimeras beaucoup les arbres, alors tu entendras toi aussi." me dit-il.
Le mystère de la Résurrection de Jésus s’inscrit dans cet ordre-là : Un événement insondable, une Vie mystérieuse qui s’écoule à travers les sèves humaines, un silence qui porte le poids des choses... Alors bien sûr il ne faut pas s’étonner qu’un tel message soit peu perceptible dans notre monde de vacarmes, d’agitations et de rumeurs en boucle. Pâques est un mystère qui se conquiert à coup de silence habité et de sérénité dominant les angoisses bruyantes d’un monde qui ne sait plus trop où il va. Il s’agit d’entendre « au-delà » et « au-dedans » du réel !
Lorsqu’on dit « Jésus est vivant », « Il est ressuscité, il est vraiment ressuscité », cela ne suscite dans le commun qu’une interrogation vide (« encore une théorie d’exaltés ») ou alors un sourire, complice des belles réalités d’un patrimoine à conserver. Pâques n’est alors qu’un raccard de plus à sauver dans les pâturages religieux de plus en plus en friche.
Or, pour ceux qui se veulent les conservateurs de l’avenir, la foi dans la Résurrection de Jésus c’est tout simplement un printemps assuré pour toutes les réalités cachées mais réelles qu’on atteint en éteignant les hauts parleurs, en se déconnectant des réseaux superficiels pour écouter la sève monter dans l’Arbre de Vie. Quand nous aimerons beaucoup cet Arbre, nous entendrons aussi.