jeudi 29 juin 2023

une banque sous la pluie


Je sors de la gare Cornavin à Genève, un matin morne. Il pleut. Les gens vont vite, perdus dans leurs affaires, coincés dans leur imperméable et sous leur parapluie. Sauf un.

Il est assis sur un tabouret, posé sur le goudron devant la grande banque qui tient le très haut du pavé sur cette rue du Mont-Blanc qui descend vers le lac. Mon quidam est là, à la pluie, en train de lire un journal mouillé qu’il tient entre ses mains. Indifférent aux milliards du géant bancaire et lui tournant ostensiblement le dos. Tout aussi indifférent aux petites affaires de cette foule qui passe devant lui sans le regarder, sans doute trop habituée à le voir dans son froc d’un autre âge ou d’un autre continent, avec son bonnet qui ne ressemble à rien si ce n’est à celui de Christophe Colomb ou de Vasco de Gama. Il peut se permettre d’être indifférent à tout, lui qui a tout connu et trop vu...

En fait il est en bronze. Il s’appelle l’Immigré. Il est né des mains de l’artiste sénégalais Ousmane Sow. C’est personne et tout le monde. Posé sur le goudron à côté d’une banque, il est la figure de tous les sans-papiers qui se cachent dans nos villes gorgées de tout. Il est là et rend visible toute une humanité qui cherche un peu de dignité après des routes infernales.

J’ai pris la peine de le regarder, pour qu’il devienne un peu mon frère, malgré ses hardes ridicules et malgré la pluie drue d’un morne matin. 
 

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