Entre Reims et Soissons se trouvent d’immenses terres agricoles sur des collines et de petits plateaux. Les blés qui y ondulent en été cachent un des pires cauchemars de l’histoire. Nous sommes sur la ligne de front de la première guerre mondiale. Durant de très longs mois entre 1916 et 1918 la ligne s’est stabilisée sur des crêtes à proximité de ce qui est tristement connu comme le « Chemin des dames ».
Cette route du souvenir est bien balisée entre musée-mémorial, cimetières des nations belligérantes avec leurs centaines de croix polycopiées, et stèles monumentales.
L’art contemporain y apporte aussi sa touche. Dans l’espace réduit d’un petit bois où se trouvait le vieux village de Craonne, entièrement détruit par la guerre, 592 soldats italiens ont été tués. C’est ainsi que trois artistes-paysagistes de la péninsule y ont « installé » un jardin. Ils sont détourné les trous d’obus pour qu’ils deviennent des étangs en forme de larmes, réaménagé savamment la végétation pour qu’elle égrène, au cours des mois, des couleurs de sang, de peur et d’angoisse, et planté au milieu de cet anti-éden des centaines de pieux à tête rouge symbolisant les bataillons en hécatombe. L’effet est saisissant quelle que soit la saison.
Dans ce bosquet de tragédie, la terre saigne et pleure ses morts si nombreux et si inutiles. Chaque pieux est comme une écharde fichée dans la peau de l’histoire. Une acupuncture pour la guérison de l’humanité ? La question reste ouverte.
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