30 décembre 18. C’est dimanche des élections en RDC. Pour l’Eglise catholique c’est la fête de la Sainte Famille. Ma communauté m’a confié la présidence et la prédication de la messe, parce que mes confrères électeurs seront préoccupés par leurs votes, parce qu’il y aura peu de monde, les centres électoraux ayant un plus grand pouvoir d’attraction... et parce qu’il sera préférable que la messe soit courte, les prêtres européens se contentant facilement d’un quart d’heure de prédication quand les africains passent allégrement la demi-heure !
lundi 31 décembre 2018
le pain et les élections
samedi 29 décembre 2018
le tour de l'autel
Je suis dans ma chambre congolaise en train de réfléchir au meilleur aménagement possible de la nouvelle chapelle de notre noviciat : je souhaiterais qu’on dispose les chaises en rond autour d’un autel rond, mais un novice m’a dit qu’il voyait plutôt les chaises les unes derrière les autres en face de l’autel et de la croix, dans une disposition très classique et tridentine (il n’a pas utilisé ce mot !).
Je suis un peu agacé car je voudrais enrichir la perception de mes jeunes novices sur la portée théologique de la disposition liturgique et je concocte pour cela un petit historique avec dessins à l’appui de l’évolution des aménagements d’églises depuis la table de la Cène de Jésus jusqu’à la chapelle ovale des sœurs de Saint-Maurice à la Pelouse (Suisse) en passant par les églises orientées du Moyen Age. Toute cette richesse et cette inventivité m’émerveillent... Lorsque tout à coup j’entends un chant liturgique dans la cour de ma maison !
C’est la CVB des jeunes de la paroisse qui fait séance chez nous, invitée par les novices. Les CVB (Communautés vivantes de Base) de la paroisse se réunissent le vendredi soir pour préparer la liturgie du dimanche, lire, prier et commenter ensemble les textes de la Bible qui seront proclamés.
Ce soir les jeunes se sont installés sur notre pelouse, autour d’une table où le président a posé les lectionnaires. Ils lisent et écoutent la parole, ils prient. Tout à l’heure ils vont fraterniser autour d’un plat de haricots, puis se répandre dans la joie vers le village.
Finalement c’est peut-être cela la Tradition vivante d’une Eglise catholique !
dimanche 23 décembre 2018
mes voeux
Sur les troncs vieillis
De nos désillusions
Sur les souches mortes
De nos échecs
Une espérance vient
Naître et n’être
Que là
Désormais
Tout près de Nous
LUI
Que Noël vous soit beau
Et 19 neuf !
mercredi 19 décembre 2018
une campagne électorale
La campagne pour les élections nationales et provinciales du 23 décembre tire lentement vers sa fin. Elle a atteint notre village le 6 décembre. Premier avant quelques autres, un candidat député de la province a fait une visite dans les hameaux de notre paroisse. Pour les villageois électeurs le principal intérêt de cette venue ne consistait pas dans le programme ni même les promesses du candidat, mais dans les cadeaux qui accompagnaient cette visite. Cette fois c’était un grand sac de jute rempli de babouches (tongs chinois en plastique, les chaussures les plus communes de la campagne congolaise).
Au moment opportun ce fut une foire d’empoigne. Ce qu’on avait prévu de faire dans l’ordre a été fait dans une ruée indescriptible. Beaucoup se sont retrouvés avec deux babouches du même pied ou même une seule babouche. Une dame a manqué d’être étouffée et a dû être conduite au dispensaire de notre mission.
Il y encore du chemin pour faire passer la politique des pieds à la tête. Y arrivera-t-on d’ici le 23 décembre ? Je suis perplexe, il ne reste que quelques petits jours et le niveau proprement intellectuel de la campagne (programmes, idées, projets, visions...) est... comment dire ? ... insaisissable.
mardi 18 décembre 2018
les politiciens
A quelques jours d’un rendez-vous politique important pour mon pays d’adoption, voici une paraphrase des béatitudes...
« Heureux le politicien qui a une haute idée et une profonde conscience de son rôle.
Heureux le politicien dont la personne reflète la crédibilité.
Heureux le politicien qui travaille pour le bien commun et non pour son propre intérêt.
Heureux le politicien qui reste fidèlement cohérent.
Heureux le politicien qui réalise l’unité.
Heureux le politicien qui s’engage dans la réalisation d’un changement radical.
Heureux le politicien qui sait écouter.
Heureux le politicien qui n’a pas peur. »
Heureux le politicien dont la personne reflète la crédibilité.
Heureux le politicien qui travaille pour le bien commun et non pour son propre intérêt.
Heureux le politicien qui reste fidèlement cohérent.
Heureux le politicien qui réalise l’unité.
Heureux le politicien qui s’engage dans la réalisation d’un changement radical.
Heureux le politicien qui sait écouter.
Heureux le politicien qui n’a pas peur. »
Cardinal vietnamien Van Thuan (1928-2002).
dimanche 16 décembre 2018
les dimanches qui se suivent
Alors que le peuple congolais va vivre dans une semaine une élection à haut risque, notre colline a vécu l’épilogue d’un tournoi de football.
Par chance la finale s’est déroulée dans de bonnes conditions. Et l’équipe locale Saint-Maurice a vaincu l’équipe de la colline d’en face (Kamando de Matamba) par 1 à 0.
Il y a bien eu quelques blessures, quelques contestations mais tout s’est déroulé dans un calme relatif et au son de la fanfare... et s’est terminé dans la liesse populaire. Espérons que les dimanches se suivent et se ressemblent.
vendredi 14 décembre 2018
la Colline par Paul
Paul Fiorellino est étudiant en théologie à l’Université de Fribourg. Après son bachelor, il s’offre une année sabbatique où il accomplit son service civil et vient passer quelques mois au Kasaï. Arrivé fin octobre 18, il rentrera en Suisse en mars 19. Il livre ici les impressions de ses six premières semaines en immersion sur la Colline.
6 semaines après le départ
On voyage comme on apprend une langue. On apprend d’autres vies. D’abord, disons-le, on ne comprend rien. Puis petit à petit, l’oreille se fait aux nouveaux sons, aux nouveaux rythmes. Plus tard encore, quand les premiers mots sont en tête, on se surprend à essayer de traduire littéralement à transposer sa culture, à comparer. Et puis, peut-être,on s’essaie, on se lance. On fait des fautes. C’est dur, les mots ne viennent pas, ça accroche.
Comme un enfant se laisse glisser dans le monde qu’il découvre, je me laisse modeler par ce milieu. Ma peau s’assombrit sous le soleil équatorial mais je ne deviens pas noir pour autant. J’apprends, je m’adapte mais je ne deviens pas Africain. Je suis ce que je suis mais soudain enrichi par tous ces gens, ces regards, ces rires et ces cris que je ne connaissais pas. Je me rends compte d’une autre façon de s’exprimer, dans la parole, dans les gestes et dans le silence.
Si les façons de les exprimer sont différentes, les sentiments souvent se rejoignent. Mis en lumière par les contrastes, on ne comprend que mieux ce que nous avons en commun. Pour les théologiens et les religieux qui me liraient ici, ce me semble être une belle façon de concevoir la catholicité de l’Eglise.
Chercher le regard de l’autre est nécessaire en Suisse et malpoli ici. « Par politesse, je regarde mes interlocuteurs dans les yeux grossièrement. » Voilà, dans la langue, ce que trop souvent nous voulons faire avec les cultures. C’est un mélange qui ne fonctionne pas.
Mais il existe une autre façon. Écoutez plutôt ce français : « Enfile tes couvre-feux, tes babouches et prends ton flash avec ! On va touter un glucose avec le prof mécanisé dans sa nouvelle parcelle. On y va avec la machine des masoeurs. En passant je prendrai des unités. »[1]Cela ne veut rien dire ? Détrompez-vous. Et l’adaptation est là.
Cela fait tout juste six semaines que j’ai fermé la porte de la maison derrière moi et pris la route de cette colline. Absolument rien, à part une supposée allégeance à un homme mort et ressuscité il y a deux millénaires ne nous rassemble. Et me voilà accueilli en familier, intégré à cette improbable famille.
Déjà légèrement habitué aux bizarreries africaines, je ne suis par exemple plus étonné de voir trôner sur la table du repas un bidon de diesel rempli probablement d’autre chose que de pétrole. Mais cela m’arrache toujours un sourire. Et c’en est mille des événements comme celui-là.
Le Sanctuaire CASM est comme un sas. Autant du point de vue de la misère, de l’hygiène, de la sécurité ou encore des mentalités. Ce pourrait être une partie de définition de ce qu’est la mission aujourd’hui : créer des sas pour favoriser la rencontre des hommes et des femmes de ce temps.
Dans ce printemps perpétuel - ou serait-ce un été sans fin ? - les eucalyptus en fleurs offrent à mon sens le plus perturbé des odeurs familières de mimosa qui me font du bien.
[1]En français continental : « Mets tes pantalons, tes sandales et prends ta clé USB (sous-entendu pour pouvoir écouter de la musique)! On va manger un biscuit avec l’enseignant dans son nouveau chez-lui. On y va avec la voiture des religieuses. Je mettrai du crédit sur mon téléphone en passant ».
mardi 11 décembre 2018
les imprévus du pèlerinage
Lundi 10 décembre. La fête patronale de l’Immaculée sur la Colline de Notre-Dame du Kasaï et le Grand pèlerinage de l’archidiocèse de Kananga sont désormais derrière nous. Ce furent deux journées où nous avons dû accueillir l’imprévu et pu avec Marie, vivre une communion ecclésiale forte pour l’Eglise du Kasaï en ce temps incertain de campagne pour les élections du 23 décembre.
Le temps incertain fut d’abord météorologique. Alors que le samedi de nombreux pèlerins arrivaient, la pluie s’est mise à tomber régulièrement avec des épisodes plus ou moins forts et cela a annulé toutes les manifestations de la veillée : un concert d’une chorale voisine, la célébration liturgique avec confessions, adoration et procession... Chacun a dû tant bien que mal trouver une place pour se réfugier, puis pour dormir dans notre église, dans nos lieux d’accueil, sous nos vérandas.
La pluie s’est calmée au petit matin pendant que, malgré tout, de nombreux pèlerins partaient de Kananga pour rejoindre notre colline en plusieurs heures de marche. Ils arrivaient petit à petit et furent rejoints par l’Archevêque qui fit avec les derniers groupes la montée de la colline en pèlerin à pied.
La messe réunit finalement plus de 7000 personnes et la célébration s’est déroulée dans d’excellentes conditions, la pluie ayant allégé l’atmosphère et réduit la chaleur. A un certain moment de la prédication de l’archevêque il y a eu comme un mouvement de foule au fond de l’assemblée, entre les derniers rangs de fidèles indisciplinés et les étals de vente de nourritures et de boissons. J’ai d’abord cru que c’était un serpent égaré qui paniqué semait la panique, mais non c’était le gouverneur de la province qui venait pour la célébration, avec un retard diplomatique et politique...
Ce qui donna des ailes à la prédication de l’Archevêque sur le comportement des chrétiens pour les élections, c’est-à-dire en faveur d’un réveil du bien commun, de la justice et de la paix politique... A ce moment au bord des escaliers de notre église, devant l’autel, un grand papillon magnifique, noir avec de gros points blancs, battait la mesure de ses ailes en même temps que les bras de l’archevêque !
samedi 8 décembre 2018
l'homélie
NOUVEAU !
66 raisons d’offrir ce livre à Noël :
Guy Luisier et François-Xavier Amherdt, L'anti-manuel de prédication, Les 66 tactiques du diable pour faire échouer une homélie,
Saint-Augustin 2018.
OFFREZ-LE COMME CADEAU DE NOËL
1. à votre curé ...
2. à votre prédicateur préféré...
3. à celui qui pense que son curé ne sait pas prêcher...
4. à celle qui croit qu’elle parlerait bien mieux que le vicaire de la paroisse...
5. à ceux qui croient que c’est facile de bien prêcher : il suffit de...
6. à celui qui voudrait donner des cours de diction aux prêtres du secteur...
7. à celles qui se placent en tas sous le haut-parleur...
8. à celui qui pense que c’est toujours trop long...
9. à celle qui aurait des choses à dire, si elle était prêtre...
10. à celle qui pense qu’on devrait remplacer l’homélie par un partage d’évangile...
11. à celui qui pense qu’on devrait remplacer l’évangile par un partage d’homélies...
12. à ceux qui pensent que ce n’est pas la peine de préparer un prêche pour quatre chats aux trois coins de l’église...
13. à ceux qui pestent contre les enfants de chœur qui chahutent pendant l’homélie...
14. à ceux qui préfèrent les sermons du curé de la paroisse d’à côté...
15. à ceux qui ne vont plus à la messe parce que c’est toujours la même chose...
16. à ceux qui pensent qu’on sait déjà tout...
17. à ceux qui pensent qu’on a déjà entendu cela...
18. à ceux qui pensent qu’on devrait plus parler de Dieu...
19. à celles qui pensent qu’on devrait plus parler des hommes...
20. à ceux qui pensent qu’on devrait plus parler des femmes...
21. à ceux qui pensent que le diable n’existe pas...
22. à ceux qui pensent que les haut-parleurs sont mal réglés...
23. à ceux qui pensent qu’il faut envoyer le vicaire refaire de la théologie...
24. à celles qui pensent que le curé est trop thomiste...
25. à ceux qui pensent que le curé n’est pas assez thomiste...
26. à ceux qui en ont marre des sermons tiers-mondistes...
27. à ceux qui pensent que Dieu dort aussi pendant le sermon...
28. à l’assistant pastoral qui a si bien prêché le jour où le curé était malade...
29. à celle qui ne comprend pas pourquoi l’assistante pastorale ne fait que diriger les chants à la messe...
30. à ceux qui voient quand le curé n’a pas préparé...
31. à celles qui voient quand le vicaire a trop préparé...
32. à ceux qui pensent que l’Esprit n’a rien à voir dans cette affaire...
33. à ceux qui gobent tout comme paroles d’évangile...
34. à ceux qui aiment bien quand le curé raconte ses vacances
35. à ceux qui aiment bien quand le vicaire raconte de petites histoires
36. à ceux qui donnent à la quête un frs par minute de sermon...
37. à ceux qui donnent 20 frs à la quête quand le sermon fait moins de 5 minutes...
38. à ceux qui se sont endormis à la dixième minute...
39. à ceux qui rêvent des sermons terrifiants de leur enfance...
40. à celles qui en sont restées à la théologie de leur première communion...
41. à celui qui croit encore aux limbes...
42. à ceux qui pensent qu’on devrait parler un peu plus de l’enfer...
43. à ceux qui en ont marre qu’on leur parle comme à des bébés...
44. à ceux qui ont peur des homélies de l’évêque...
45. à celles qui connaissent toutes les chasubles du curé...
46. à celles qui voudraient prendre la place de la dame des fleurs...
47. à celle qui pense que le curé est plus beau dans sa chasuble violette...
48. à ceux qui rêvent d’avoir un curé plus jeune...
49. à ceux qui trouvent que le curé n’emploie pas assez le subjonctif...
50. à ceux qui ne savent pas ce que c’est que l’Inquisition...
51. à ceux qui n’aiment pas les lettres de l’évêque lues en chaire...
52. à celle qui profite du sermon pour regarder les nouvelles robes des voisines...
53. à celui qui ne sait pas ce que c’est que le kérygme...
54. à celui qui a lu tout Saint Thomas d’Aquin...
55. à celles qui ne pensent qu’à la préparation du repas d’après-messe...
56. à ceux qui ne pensent qu’à l’apéro d’après-messe...
57. à ceux qui préfèrent l’apéro à la messe...
58. à celles qui ne voient pas la différence entre un sermon et une homélie...
59. à ceux qui pensent qu’on devrait parler de personnes plus importantes que Jésus...
60. à ceux qui songent à mettre un appareil acoustique...
61. à celle qui récite le chapelet pendant l’homélie...
62. à ceux qui comptent combien de fois le prédicateur dit « mes frères mes sœurs ! »...
63. à ceux qui préfèrent le sermon de KTO...
64. à ceux qui préfèrent méditer en se promenant seuls dans la forêt...
65. à ceux qui aiment l’Eglise...
66. à ceux qui aiment les sermons !
jeudi 6 décembre 2018
les transports publics
En 2015 le gouvernement a mis à disposition de la ville de Kananga (RDC) des bus qui étaient censés sillonner la ville et améliorer le transport des deux millions d’habitants pour qui le moyen de transport le plus facile était la moto-taxi, depuis que l’ancienne compagnie de bus avait fait faillite.
Voilà que certains véhicules, prévus pour les trajets en ville, font désormais (en sous-traitance) des allers et retours plus longs vers des marchés et des villages de brousse sur des routes ou des pistes pas faites pour eux.
Vendredi dernier, dans l’après-midi, nous voyons débarquer sur la route secondaire de notre colline, un de ces bus qui devait aller à un marché de village éloigné de 120 km. Pour éviter un péage installé par des Chinois (qui se paient ainsi la grand-route qu’ils ont aménagée !), le bus a quitté ce tronçon pour monter sur notre colline par une route impossible et est tomber en panne devant notre maison.
Ce bus est surchargé de passagers et de marchandises et va rester jusqu'au dimanche après-midi près de chez nous. Les passagers s’égaient assez joyeusement sur nos pelouses et sous nos auvents, font tant bien que mal leur cuisine, et dorment deux nuits dans le bus...
Quand je leur demande pourquoi ils restent là alors que la ville n’est qu’à 20km, ils disent que de toute façon ils n’ont pas d’argent pour retourner en ville, le mieux étant d’attendre que la réparation soit faite. Mais combien de temps ? Question sans aucune pertinence au Congo !
Ils n’ont payé que 5 frs suisses pour faire le trajet de 120 km en bus, on ne peut donc pas demander que le bus soit très performant, même si en 2015 il était flambant neuf...
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