L’autre jour un ado de la paroisse vient me demander de l’aider avec une aspirine parce que son pouce le fait souffrir ; un abcès s’ouvre et est en train de s’infecter. Je n’ose pas lui demander d’enlever le petit torchon brun et souillé dont il s’est entouré le doigt et je lui dis qu’il lui faut aller directement au dispensaire car mes aspirines – mêmes européennes et non chinoises ! – ne peuvent pas faire des miracles.
Je le revois aujourd’hui plus épanoui et je
lui demande comment va son pouce. Il me dit qu’il va bien. En même temps qu’il
me montre un doigt tout gonflé mais sec et cicatrisé, il me dit qu’il n’est pas
allé au dispensaire mais s’est soigné avec un fétiche.
Que diable !
J’essaie de comprendre et je lui demande ce
qu’est pour lui un fétiche. Il me raconte qu’on fait une pâte avec un jus de
plante, de l’huile et du sel...
Donc c’est un médicament, lui-dis-je.
-Non ce n’est pas un médicament, c’est
traditionnel !
- C’est quoi un médicament pour toi ?
- Je ne sais pas expliquer... par
exemple : paracétamol !
- Ok cela c’est un médicament chimique mais
toi tu as été soigné avec un médicament traditionnel que t’a préparé ta
maman...
- non ce n’est pas ma maman qui a fait le
fétiche mais une voisine qui sait faire !
On s’explique un peu. Lui comprend que la
médecine traditionnelle est une médecine avec ses médicaments et ses soins et
moi je comprends que les fétiches ne sont pas des poupées dans lesquelles on
plante des aiguilles mais aussi tout objet de la médecine traditionnelle que
les villageois expérimentent lorsqu’ils n’ont pas de sous pour aller au
dispensaire ou quand ils trouvent qu’on a de meilleurs résultats avec les
pratiques ancestrales.
Au repas, je demande à un confrère ce qu’est
pour lui un fétiche. Il me répond que ce sont les moyens que la culture
traditionnelle africaine a mis au point soit pour protéger et sauvegarder les
énergies vitales, soit pour les détourner vers le mal. Ainsi y-a-t-il des
fétiches bénéfiques et des fétiches maléfiques.