Rendre hommage à un fleuve
Le fleuve Lulua au bas de notre Colline |
Comment
rendre hommage aux torrents des montagnes, aux rivières des vallées, aux
fleuves des plaines et aux lents estuaires qui se jettent dans la mer ?
Jean-Paul est tout cela pour moi.
Il était
professeur de dactylographie au Collège de l’Abbaye, lorsque j’ai croisé son
regard pétillant que la lourde vitre de ses lunettes et sa voix grave semblaient
dompter. C’était un homme, un prêtre, dont la rencontre en profondeur marque à
jamais des jeunes qui doivent se coltiner la vie réelle après des enfances
assez protégées. De la neige des hauteurs valaisannes derrière son Venthône, le
torrent portait toujours le scintillement simple: pas d’artifice en lui,
pas de dogmatisme ou d’intellectualisme mal placés, mais simplement la vie à
servir et une foi à partager.
Plus tard,
le torrent était devenu une rivière dans les effervescences des multiples
activités. A l’internat du collège, c’est à lui que j’ai demandé d’accompagner
les germinations de ma vocation. Il m’a laissé très libre de mes choix et après
quelques mois, l’ayant retrouvé comme maître des novices à l’Abbaye, je lui sus
gré d’avoir toujours respecté les mouvements qui parcouraient mon courant à
moi.
La vie
l’avait fait particulièrement doué d’une écoute active et bienveillante qui fait
la richesse du compagnonage catholique et des communautés religieuses. Ainsi
fut-il un Père-maître en même temps qu’un aumônier de collège hors-norme,
autant délicat dans l’écoute que déroutant dans des dires à l’emporte-pièce. Il
ne nous laissait pas en place. Avec lui il fallait avancer.
Lorsqu’en
1995, notre communauté nous a demandé de prendre en tandem la direction du
Lycée-Collège de l’Abbaye, j’avais à mes côtés, dans le prorecteur Jean-Paul, un
fleuve dynamique et solide. Les fraternelles discussions qui nous avions
ensemble nous ont permis d’affronter tant bien que mal les défis difficiles et
passionnants de ce monde scolaire si riche de défis divers.
Il y a des
fleuves qui ne se jettent pas à la mer tout d’un coup. Il y a des estuaires de patience,
de souffrance, d’endurance, où il faut laisser les eaux de la vie se mélanger
lentement à d’autres Eaux... Toujours extrêmement présent à sa communauté
abbatiale, dont il a porté des responsabilités jusqu’au bout, Jean-Paul a été,
pendant les longues années de lutte contre la maladie et les laminages
physiques et psychiques, cet estuaire de persévérance où tout s’élargissait
mystérieusement et s’affinait dans le dépouillement et la lenteur.
Comment rendre
hommage à un tel fleuve ? En regardant avec plus de lucidité l’Océan qui
nous attend au bout de nos rives.
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