Pour fuir la tyrannie de Pharaon et trouver la
liberté, le Peuple d’Israël a vécu des années d’exode dans le désert. Le livre
de l’Exode continue aujourd’hui sur les routes des misères humaines. Nous le
lisons durant les liturgies de ce Carême et nous le vivons au jour le jour.
Kananga est une ville de 2 millions
d’habitants répartis en grosses agglomérations, communes et quartiers, plus ou
moins atteints de plein fouet par la guerre entre les militaires et les
miliciens. Cette guerre est surtout en train de tourner à la psychose.
Le gouvernement central a envoyé au Kasaï
central, dont Kananga est la capitale, de forts contingents de soldats pour
tenter de mettre fin à la rébellion des miliciens de Kamuina Nsapu, qui sont
surtout des jeunes et des enfants, pour sécuriser la population. Mais comment
peut-on apporter la sécurité à des gens dont on pourchasse les enfants ?
Les soldats gouvernementaux encerclent et
arrêtent sans trop de discernement tous les jeunes (entre 10 et 30 ans) qui
semblent être des miliciens, d’anciens miliciens, des sympathisants ou des curieux.
On semble être milicien lorsqu’on est sale avec des habits un peu rouge (cf.
les bandeaux rouges de la milice). Quand on a quinze ans, il vaut mieux se
laver et soigner ses atours ces jours à Kananga.
Les prisons sont pleines, et notamment de
jeunes qui ne savent pas trop pourquoi ils sont là. J’ai entendu dire, sans
pouvoir vérifier que la prison principale faite pour 200 prisonniers dépasse
maintenant les 600. Un confrère racontait qu’il avait transporté un prisonnier
de la paroisse qui venait d’être libéré et qui exhalait une odeur
épouvantable : pendant le peu de jours qu’il était resté en prison il
avait tout du faire sur place. Pas moyen de se déplacer à l’intérieur même de
la prison.
Au début de cette semaine on voyait certains
quartiers se vider de leurs jeunes partis dormir en brousse plutôt que de se
retrouver pris dans une rafle aveugle. Il paraîtrait que le quartier de Nganza,
qui est perçu comme le quartier général des miliciens est particulièrement
vide... Il faut dire que quand les militaires ne trouvent pas de jeunes à
embarquer, ils emportent autre chose, argent ou valeurs.... Donc beaucoup, quel
que soit leur âge, préfèrent partir, ne serait-ce que le temps que cela se
calme.
Mais en cette fin de semaine, la psychose a pris
une tournure plus intense.
Les interventions trop musclées des soldats amènent des gens à quitter la ville pour se réfugier dans les villages de campagne. On voit en arriver ces jours sur la colline : surtout des mamans avec un gros sac sur la tête, un enfant dans le dos et deux autres dans les pieds, qui viennent habiter chez des parents de la brousse.
Les interventions trop musclées des soldats amènent des gens à quitter la ville pour se réfugier dans les villages de campagne. On voit en arriver ces jours sur la colline : surtout des mamans avec un gros sac sur la tête, un enfant dans le dos et deux autres dans les pieds, qui viennent habiter chez des parents de la brousse.
Mais il y a un effet domino. La psychose se
déplaçant avec les déplacés, ces dernières nuits une partie des gens du village
ont dormi en forêt, plus à cause de la psychose de la guerre que d’un réel
danger de guerre.
Tout prend d’ailleurs une allure
irrationnelle. Les confrères qui, pour des raisons pastorales, ont intensifié
leurs relations avec les villageois, racontent ce matin au petit déjeuner,
qu’on emmène dans les refuges des forêts des radios et de la musique et qu’on
fait la fête tard le soir, au milieu des chèvres qui bêlent et des poules qui
caquettent et gloussent sans se faire trop de souci pour la guerre. C’est aussi
bruyant qu’au village. On met le doigt sur un paradoxe. On va à la forêt pour
se cacher des exactions des militaires, mais on se cache sans discrétion. Mais
c’est la vie et la vie n’est pas à un paradoxe près.
Les Hébreux ne faisaient d’ailleurs pas que
prier dans leur désert et leur exode à eux !
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