dimanche 2 avril 2017

l'Exode

Pour fuir la tyrannie de Pharaon et trouver la liberté, le Peuple d’Israël a vécu des années d’exode dans le désert. Le livre de l’Exode continue aujourd’hui sur les routes des misères humaines. Nous le lisons durant les liturgies de ce Carême et nous le vivons au jour le jour.

Kananga est une ville de 2 millions d’habitants répartis en grosses agglomérations, communes et quartiers, plus ou moins atteints de plein fouet par la guerre entre les militaires et les miliciens. Cette guerre est surtout en train de tourner à la psychose.

Le gouvernement central a envoyé au Kasaï central, dont Kananga est la capitale, de forts contingents de soldats pour tenter de mettre fin à la rébellion des miliciens de Kamuina Nsapu, qui sont surtout des jeunes et des enfants, pour sécuriser la population. Mais comment peut-on apporter la sécurité à des gens dont on pourchasse les enfants ?

Les soldats gouvernementaux encerclent et arrêtent sans trop de discernement tous les jeunes (entre 10 et 30 ans) qui semblent être des miliciens, d’anciens miliciens, des sympathisants ou des curieux. On semble être milicien lorsqu’on est sale avec des habits un peu rouge (cf. les bandeaux rouges de la milice). Quand on a quinze ans, il vaut mieux se laver et soigner ses atours ces jours à Kananga. 

Les prisons sont pleines, et notamment de jeunes qui ne savent pas trop pourquoi ils sont là. J’ai entendu dire, sans pouvoir vérifier que la prison principale faite pour 200 prisonniers dépasse maintenant les 600. Un confrère racontait qu’il avait transporté un prisonnier de la paroisse qui venait d’être libéré et qui exhalait une odeur épouvantable : pendant le peu de jours qu’il était resté en prison il avait tout du faire sur place. Pas moyen de se déplacer à l’intérieur même de la prison.

Au début de cette semaine on voyait certains quartiers se vider de leurs jeunes partis dormir en brousse plutôt que de se retrouver pris dans une rafle aveugle. Il paraîtrait que le quartier de Nganza, qui est perçu comme le quartier général des miliciens est particulièrement vide... Il faut dire que quand les militaires ne trouvent pas de jeunes à embarquer, ils emportent autre chose, argent ou valeurs.... Donc beaucoup, quel que soit leur âge, préfèrent partir, ne serait-ce que le temps que cela se calme.

Mais en cette fin de semaine, la psychose a pris une tournure plus intense.
Les interventions trop musclées des soldats amènent des gens à quitter la ville pour se réfugier dans les villages de campagne. On voit en arriver ces jours sur la colline : surtout des mamans avec un gros sac sur la tête, un enfant dans le dos et deux autres dans les pieds, qui viennent habiter chez des parents de la brousse.

Mais il y a un effet domino. La psychose se déplaçant avec les déplacés, ces dernières nuits une partie des gens du village ont dormi en forêt, plus à cause de la psychose de la guerre que d’un réel danger de guerre.

Tout prend d’ailleurs une allure irrationnelle. Les confrères qui, pour des raisons pastorales, ont intensifié leurs relations avec les villageois, racontent ce matin au petit déjeuner, qu’on emmène dans les refuges des forêts des radios et de la musique et qu’on fait la fête tard le soir, au milieu des chèvres qui bêlent et des poules qui caquettent et gloussent sans se faire trop de souci pour la guerre. C’est aussi bruyant qu’au village. On met le doigt sur un paradoxe. On va à la forêt pour se cacher des exactions des militaires, mais on se cache sans discrétion. Mais c’est la vie et la vie n’est pas à un paradoxe près.  


Les Hébreux ne faisaient d’ailleurs pas que prier dans leur désert et leur exode à eux !

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