Visage épanoui d’un de mes confrères, lorsqu’à
table il nous a annoncé :
- « Le Pape a prié pour le Kasaï ».
- « Oui, dit un autre, le pape connaît
bien le Congo grâce au Cardinal Mosengwo, d’ailleurs il a décidé de venir à
Brazza mais pas à Kinshasa, parce qu’avec Kabila ça ne va pas ! »
- « Il connaît les problèmes du Congo,
mais il a prié pour le Kasaï, il a cité dans sa prière le nom de notre
région ! »C’était à l’angelus d’hier dimanche, à Carpi,
une petite ville d’Italie du Nord sinistrée par un tremblement de terre. L’Eglise universelle célébrait la messe de la
résurrection de Lazare. Devant les villageois fourbus de la colline, j’avais
prêché sur toutes ces morts que Jésus vient vaincre, tous ces tombeaux qu’il vient
ouvrir. Parler de tombeaux et de morts cela veut dire quelque chose ici. Plus
difficile de parler de toutes ces morts morales que nous véhiculons avec nous
sur les chemins de nos vies et de nos relations : immobilismes, lâchetés,
trahisons, égoïsmes, jalousies, haines diverses et variées. Cela a pris du
temps pour traduire tout cela (pendant le sermon et avec les bilingues) pour
les paroissiens qui ne parlaient que le tshiluba ! Car le Carême est bien
le temps pour le dire : la guerre n’est pas seulement sur les routes du
Kasaï mais aussi dans les brousses de nos cœurs.
Toujours est-il que le pape a prié pour le
Kasaï. Radio Vatican (fr.radiovaticana.va – 2 avril 17) :
« J’assure de
ma proximité cette nation et j’exhorte tout le monde à prier pour la paix, afin
que les cœurs des auteurs de tels crimes ne restent pas esclaves de la haine et
de la violence qui détruisent toujours »
a déclaré le Pape François. Il a évoqué les « affrontements armés
sanglants » qui font des « victimes » et des « déplacés »,
et qui « frappent aussi des membres et des propriétés de l’Église,
églises, hôpitaux et écoles ».
Sur les réseaux sociaux – au moins ceux qui
s’intéressent à l’Afrique ! - fleurissent les mentions « Je suis
Kasaï ». Après les attentats de Paris et de Nice, et je voyais se répandre
à travers la Toile des « Je suis Paris » et « Je suis
Nice », et cela m’agaçait aux
entournures. Je trouvais que c’était de la solidarité un peu facile, de la
solidarité kleenex : quelques clics, le tour est joué et les Parisiens et
les Niçois peuvent changer leurs pansements tous seuls !
Maintenant que je suis au cœur d’une tourmente
et donc de l’autre côté de la solidarité, mon regard a changé. Même si les
autres ne peuvent pas faire grand chose – si ce n’est prier et je m’efforce de
croire que c’est beaucoup ! – le fait qu’ils « savent » me fait
du bien.
Je crois que, malgré tout, l’internet fait
faire un pas en avant à l’humanité. Nous avons de plus en plus conscience
d’être « un », d’être une seule humanité embarquée ensemble dans un
drôle de bateau naviguant sur les flots de l’incertain. Cette conscience a bien
sûr besoin d’être intelligemment nourrie et cultivée et je me rends bien compte
que rien n’est définitivement gagné. Mais pour moi qui suis « au Kasaï »,
le « JE SUIS KASAÏ n’est pas anodin même dans le bouhaha superficiel que
favorisent les réseaux.
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