Le système scolaire du Kasaï a été mis à mal
par la guerre. Les rebelles ont exigé que toutes les écoles ferment et c’est ce
qu’elles ont dû faire pendant les troubles. Maintenant la situation est en
train très lentement de s’arranger et on espère que les élèves qui doivent
passer des examens de diplômes (fin de primaire et fin de secondaire) puissent
le faire. Les écoles rouvrent dans les zones calmes et tout le monde souhaite
que les sessions puissent se dérouler le plus normalement possible.
C’est un enjeu surtout pour le diplôme d’état
(bac congolais) qui s’organise au niveau national ; il ne faudrait pas que
nos provinces kasaïennes manquent ce train.
Ces jours je fais des révisions avec les trois
candidats de la paroisse. Pour les exercer à la dissertation, je leur donne un
sujet de composition : « Est-ce que les livres rendent intelligent ? »
Ils ont sué à faire ce travail et moi autant à essayer de comprendre ce qu’ils
ont voulu dire tant leurs phrases sont tarabiscotées et leur orthographe... phonétique,
mais congolaisement phonétique, ce qui la rend encore plus étrange (parce que mes
yeux ont l’accent valaisan !)
Une chose m’a surpris. Pour chacun des trois,
on ne rencontre des livres que dans deux lieux : à l’école : les
manuels et à l’église : les livres de Dieu. J’ai essayé de leur faire
comprendre qu’il y avait aussi des livres ailleurs, mais dans un premier temps
ils ne comprenaient pas et se montraient étonnés quand je disais que pour moi
95% des livres n’avaient jamais vu une école, ni une église.
Ai-je vraiment raison d’être surpris? Chacun
des trois vit dans une petite case en chaume et torchis, sans lumière. Il est
complètement incongru d’y trouver un livre.
Un livre est un truc de riche. Une richesse
que les riches gaspillent allégrement, et que les plus pauvres de la terre ne
peuvent voir que dans les ambiances sacrées de l’école et de l’église.
Quant à savoir si cela rend intelligent, on en
reparlera plus tard, lorsqu’ils seront juste assez riches pour pouvoir se poser
la question.