La semaine dernière les transactions
financières étaient bloquées à la plus grande banque de Kananga.
Pourquoi ? Pas de signal internet. Pourquoi ? Difficile à dire, par
contre une hypothèse est arrivée dans les discussions de notre repas
communautaire.
Cette semaine-là avait lieu la session
d’examens du Diplôme d’Etat sur l’ensemble du pays. En bloquant l’accès à
internet des téléphones portables des élèves et des professeurs, on réduit les
risques de tricherie et de corruption lors du transfert des données d’examens vers
les Provinces depuis le centre logistique de la Capitale. La lutte contre la
tricherie et la corruption fait rage et tous les moyens sont bons pour les
annihiler. Mais le pli est malheureusement pris si profondément que la
tricherie est presqu’institutionnalisée.
Tels sont les « laboratoires ». Au
début je croyais naïvement qu’il s’agissait de séances de travail et de
révision organisées par les professeurs pour améliorer le niveau des étudiants
en marge des séances d’examen. En fait je sais maintenant qu’il s’agit de
séances où des professeurs véreux font les examens avant les élèves puis
transmettent les réponses à ceux-ci... contre rémunérations.
C’est dans cette ambiance que se passe –
souvent - la session des Examens d’Etat. Dans ses conditions on ne peut pas
dire que la scolarisation améliore la situation du pays puisqu’à l’un des
moments charnières de celle-ci les élèves expérimentent concrètement la
malhonnêteté... presqu’institutionnalisée.
De plus le niveau d’enseignement est si faible
dans beaucoup d’instituts scolaires que la réussite des examens se base,
d’après moi, à 60% sur la chance (hasard des réponses aux QCM – questionnaires
à choix multiple) à 30% sur une mémorisation mécanique et à 10% sur
l’assimilation intelligente des matières.
Ainsi, à mon humble niveau, je pense que pour
améliorer le niveau scolaire congolais, il faut d’abord motiver les professeurs
en les payant régulièrement et honnètement. Ainsi ne se contenteraient-ils plus
de dicter leurs cours à des élèves qui n’y comprennent rien et se
mettraient-ils à expliquer la matière aux élèves. Actuellement je donne des
cours privés à certains élèves qui me montrent leur cahier de biologie où ils
ont écrit que « la cellule, élément fondamental du vivant, a été
découverte au 17e siècle par l’anglais Robert Hooke ». Or ces
élèves ne comprennent aucun mot de cette phrase et pensent que la cellule est
un fruit (à cause d’un dessin qu’ils ont vu) !
Dans ses conditions l’école n’est plus un lieu
de libération et de développement mais un lieu où l’on apprend à être esclave
de son ignorance et à s’y résigner.
Pour motiver les élèves, il faudrait fermer
les instituts (notamment privés) qui préparent aux Examens d’Etat et qui ne
paient pas correctement leurs professeurs. Souvent dans la deuxième moitié de
l’année scolaire, les élèves ne peuvent plus payer leur part financière et par
ricochet les directions ne peuvent plus payer les professeurs, qui donc
travaillent mal, et donc les élèves n’apprennent rien, et donc ne veulent pas
payer. Cercle vicieux !
PS :
Après une rapide enquête, je sais que les enseignants titularisés peuvent
compter sur un salaire mensuel de 150 CHF (francs suisses donc !). Les
enseignants qui ne sont pas titularisés (et on peut ne pas l’être et enseigner
depuis plus de 10 ans !) comptent sur les primes (argent donné par les
élèves dans un système plus ou moins réglementés !) entre 0 et 100 CHF par
mois... Il semblerait que pourrait se constituer une classe moyenne au Congo,
si une partie de la population pouvait compter sur un revenu stable de 300 CHF
par mois. On est actuellement loin du compte. Or un pays ne s’en sort que si
une classe moyenne peut émerger.
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