vendredi 1 juillet 2016

la fin de l'année scolaire (suite)


La semaine dernière les transactions financières étaient bloquées à la plus grande banque de Kananga. Pourquoi ? Pas de signal internet. Pourquoi ? Difficile à dire, par contre une hypothèse est arrivée dans les discussions de notre repas communautaire.

Cette semaine-là avait lieu la session d’examens du Diplôme d’Etat sur l’ensemble du pays. En bloquant l’accès à internet des téléphones portables des élèves et des professeurs, on réduit les risques de tricherie et de corruption lors du transfert des données d’examens vers les Provinces depuis le centre logistique de la Capitale. La lutte contre la tricherie et la corruption fait rage et tous les moyens sont bons pour les annihiler. Mais le pli est malheureusement pris si profondément que la tricherie est presqu’institutionnalisée.

Tels sont les « laboratoires ». Au début je croyais naïvement qu’il s’agissait de séances de travail et de révision organisées par les professeurs pour améliorer le niveau des étudiants en marge des séances d’examen. En fait je sais maintenant qu’il s’agit de séances où des professeurs véreux font les examens avant les élèves puis transmettent les réponses à ceux-ci... contre rémunérations.

C’est dans cette ambiance que se passe – souvent - la session des Examens d’Etat. Dans ses conditions on ne peut pas dire que la scolarisation améliore la situation du pays puisqu’à l’un des moments charnières de celle-ci les élèves expérimentent concrètement la malhonnêteté... presqu’institutionnalisée.

De plus le niveau d’enseignement est si faible dans beaucoup d’instituts scolaires que la réussite des examens se base, d’après moi, à 60% sur la chance (hasard des réponses aux QCM – questionnaires à choix multiple) à 30% sur une mémorisation mécanique et à 10% sur l’assimilation intelligente des matières.

Ainsi, à mon humble niveau, je pense que pour améliorer le niveau scolaire congolais, il faut d’abord motiver les professeurs en les payant régulièrement et honnètement. Ainsi ne se contenteraient-ils plus de dicter leurs cours à des élèves qui n’y comprennent rien et se mettraient-ils à expliquer la matière aux élèves. Actuellement je donne des cours privés à certains élèves qui me montrent leur cahier de biologie où ils ont écrit que « la cellule, élément fondamental du vivant, a été découverte au 17e siècle par l’anglais Robert Hooke ». Or ces élèves ne comprennent aucun mot de cette phrase et pensent que la cellule est un fruit (à cause d’un dessin qu’ils ont vu) !

Dans ses conditions l’école n’est plus un lieu de libération et de développement mais un lieu où l’on apprend à être esclave de son ignorance et à s’y résigner.

Pour motiver les élèves, il faudrait fermer les instituts (notamment privés) qui préparent aux Examens d’Etat et qui ne paient pas correctement leurs professeurs. Souvent dans la deuxième moitié de l’année scolaire, les élèves ne peuvent plus payer leur part financière et par ricochet les directions ne peuvent plus payer les professeurs, qui donc travaillent mal, et donc les élèves n’apprennent rien, et donc ne veulent pas payer. Cercle vicieux !

PS : Après une rapide enquête, je sais que les enseignants titularisés peuvent compter sur un salaire mensuel de 150 CHF (francs suisses donc !). Les enseignants qui ne sont pas titularisés (et on peut ne pas l’être et enseigner depuis plus de 10 ans !) comptent sur les primes (argent donné par les élèves dans un système plus ou moins réglementés !) entre 0 et 100 CHF par mois... Il semblerait que pourrait se constituer une classe moyenne au Congo, si une partie de la population pouvait compter sur un revenu stable de 300 CHF par mois. On est actuellement loin du compte. Or un pays ne s’en sort que si une classe moyenne peut émerger.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire