nos cicatrices

La cathédrale d’Amiens est sur le podium des trois plus grandes cathédrales de France et c’est une splendeur de l’art gothique. J’y arrive par un petit lundi matin frais, alors que les petits commerces de la métropole picarde se réveillent et s’ébrouent sur les ruelles. La cathédrale regarde tout cela d’un air à la fois détaché et maternel et m’invite à entrer. 

L’intérieur resplendit de grâce et de légèreté lumineuse. On ne saurait décrire l’impression que donnent cet espace bien découpé en nefs et absides démultipliées, cet élancement de colonnes vers les voûtes délicatement brisées et ces grands espaces qui permettent aux vitraux d’offrir le meilleur d’eux-mêmes.

Malheureusement en ces zones du pays de France martyrisées par les guerres, lesdits vitraux ont souvent été abîmés et détruits. Par endroit ils ont été remplacés par des compositions modernes ou par de simples grisailles. Mais il y a encore mieux et encore plus émouvant ! Dans une déambulatoire, un vitrail hétéroclite attire mon regard : est-il moderne ou ancien ? En fait il s’agit d’une composition moderne faite d’une multitude de petits morceaux de vitraux anciens. On voit sur ces éclats de verre, des figures coupées, des demi-visages, des bouts de végétation venus tout droit du Moyen Age. La cathédrale porte ainsi, dans sa chair de lumière, les stigmates de son histoire. 

Un peu comme nous finalement : chaque carré de notre chair se souvient mystérieusement de toutes ses blessures et les balade allégrement à travers les ans vers l’éternité.