jeudi 13 août 2020

Soins sans frontières 6/8

PETIT ROMAN D'ETE. Rapatrié d’urgence de RDC suite à une infection, je vous raconte ici quelques moments mémorables d’une odyssée spéciale en plein coronavirus. 


LA PINTADE

Dans ma chambre d’hôpital à Kinshasa, outre les allées et venues des infirmières, j’ai de la compagnie jour et nuit. Une pintade. En fait une machine qui tient mon chevet, chargée d’ingurgiter les données de mon état de santé. Sur son écran s’affichent d’obscurs chiffres et quatre niveaux de lignes en couleur qui dessinent continuellement en hachures plus ou moins régulières l’état de mon pouls, de mon cœur ou de ma respiration, que sais-je... Mais surtout nuit et jour et à quelques décimètres de ma tête, la machine fait des cris de gallinacée marchant sur des œufs de crocodiles. Tonalité effrayée, puis étonnée, puis indécise. Nombres binaires puis ternaires de gloussements sur différentes tessitures. Et  cela recommence sans que je comprenne à quoi tout ce ramdam rime et pourquoi la faculté ne se contente pas des graphiques silencieux...

Etant à court d’occupation, je décide d’apprivoiser ma pintade et de voir si je peux maîtriser sa vie. Je fais des mouvements spéciaux (bras levés, applaudissements) pour tester son obéissance au niveau des sons et des graphiques. Cela n’aboutit à pas grand-chose, ma pintade vit sa vie (ou la mienne) imperturbablement. Puis finalement ma seule victoire : je me suis aperçu que si je changeais ma respiration, le graphique orange adaptait ses lignes qui devenaient plus brisées, ou moins... Par contre les gloussements continuaient à leurs rythmes mystérieux...

Je l’aimais bien ma pintade. Dommage qu’on ait dû se quitter, sans savoir vraiment qui était en train d’apprivoiser l’autre. 



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