vendredi 5 mai 2017

les pique-boeufs

Notre colline, au cœur de la guerre du Kasaï, est calme aujourd’hui, mais les environnantes crépitent un peu. On raconte des histoires assez terribles sur les miliciens et les militaires qui se sont entretués au village de Matamba sis sur la hauteur en face de la fenêtre de ma chambre.
 Une sourde angoisse m’habite quand je me dirige vers la petite chapelle, à quelques pas de notre maison, pour la prière du soir. Là bas je serai sûr de n’être pas seul, mon Dieu y est à demeure, il ne va pas laisser la peur occuper tout le terrain. Je lui ferai de la place et il fera le ménage. Or il l’a fait avant même que j’atteigne le seuil du sanctuaire.  Les pique-bœufs m’ont offert un ballet majestueux par-dessus le gazon.
 J’avais déjà vu des pique-bœufs, mais c’est seulement cette année qu’une petite colonie est venue s’installer sur notre colline ; nous nous apprivoisons mutuellement. C’est un petit échassier du genre héron, mais très blanc avec un bec presque rouge qui lui donne son nom : on le rencontre près des troupeaux, piquant le bétail de son bec pour nettoyer les peaux de leur délicieuse vermine. Il n’y a pas de bœufs ici mais les pique-bœufs s’y trouvent bien, se perchent sur les hauteurs et sèment une innocence décontractée sur nos soucis de guerre.
 Quand je sens un souffle d’angoisse balayer mon cœur, je les regarde marcher en balançant noblement leur cou entre les herbes. Et comme un accord se fait en moi. Il est possible qu’ils aient leur guerre à eux, que des miliciens pique-bœufs chassent les soldats piques-bœufs des troupeaux. Mais ils cachent bien leur jeu et leurs vols ont plus d’allure que les allées et venues des troupes humaines qui s’écharpent à l’envi à l’entour !

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