Notre colline, au cœur de la guerre du Kasaï,
est calme aujourd’hui, mais les environnantes crépitent un peu. On raconte des
histoires assez terribles sur les miliciens et les militaires qui se sont
entretués au village de Matamba sis sur la hauteur en face de la fenêtre de ma
chambre.
Une sourde angoisse m’habite quand je me
dirige vers la petite chapelle, à quelques pas de notre maison, pour la prière
du soir. Là bas je serai sûr de n’être pas seul, mon Dieu y est à demeure, il
ne va pas laisser la peur occuper tout le terrain. Je lui ferai de la place et
il fera le ménage. Or il l’a fait avant même que j’atteigne le seuil du
sanctuaire. Les pique-bœufs m’ont offert
un ballet majestueux par-dessus le gazon.
J’avais déjà vu des pique-bœufs, mais c’est
seulement cette année qu’une petite colonie est venue s’installer sur notre
colline ; nous nous apprivoisons mutuellement. C’est un petit échassier du
genre héron, mais très blanc avec un bec presque rouge qui lui donne son
nom : on le rencontre près des troupeaux, piquant le bétail de son bec
pour nettoyer les peaux de leur délicieuse vermine. Il n’y a pas de bœufs ici mais
les pique-bœufs s’y trouvent bien, se perchent sur les hauteurs et sèment une
innocence décontractée sur nos soucis de guerre.
Quand je sens un souffle d’angoisse balayer
mon cœur, je les regarde marcher en balançant noblement leur cou entre les
herbes. Et comme un accord se fait en moi. Il est possible qu’ils aient leur
guerre à eux, que des miliciens pique-bœufs chassent les soldats piques-bœufs
des troupeaux. Mais ils cachent bien leur jeu et leurs vols ont plus d’allure
que les allées et venues des troupes humaines qui s’écharpent à l’envi à
l’entour !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire