dimanche 28 mai 2017

les bébés



Messe de l’Ascension, célébrée ici au Congo le dimanche. J’en ressors tout ragaillardi. Nous avons eu de beaux chants, de beaux moments de prière, et plusieurs rites complémentaires et intégrés à la liturgie eucharistique : le baptême d’un bébé, la présentation de deux autres bébés à Dieu et à la communauté, la profession de foi publique de deux adultes qui avaient divagué un peu dans leur vie conjugale et dogmatique et qui souhaitaient pouvoir réintégrer pleinement l’Eglise et la communion...

Cela allonge considérablement les deux heures habituelles de célébration mais ici cela n’a aucune importance. On prend le temps et quelquefois (pas toujours, parce que, comme on a toujours le temps, il y a beaucoup de blabla qui agace mon tempo européen) cela vaut la peine d’allonger...

J’aime particulièrement le rite de la présentation des bébés à Dieu et à la communauté. Cela se passe avant l’offertoire. La collecte est terminée et juste après, a lieu habituellement la procession des dons en nature. Les dames avec des bassins de maïs ou de manioc sur la tête s’avancent vers l’autel précédées d’une petite qui porte le seau des billets de la quête. Derrière elles viennent les jeunes mamans avec leurs bébés dans un drap blanc. Elles sont accueillies par le célébrant et conduites à l’autel. Juste avant de poser sur l’autel le pain et le vin qui vont être consacrés, le prêtre pose l’enfant sur la même nappe, le soulève dans le même geste et prie pour lui comme sur les offrandes.

Plus tard au jour de son baptême, il sera lui aussi consacré et deviendra Christ. Je trouve ce rite analogique d’offertoire très beau et très profond.

mardi 23 mai 2017

l'hippopotame

J’ai vu l’hippopotame.
Ce que vous voyez peut-être au centre de l’image n’est pas un gros caillou mais l’hippopotame de mes rêves paissant dans le pré au bord de la rivière qui baigne le pied de ma colline.
 La photo est nulle et ceux qui voudraient me sponsoriser le remplacement de mon petit Ca... sont les bienvenus. Mais le mythe, je l’ai enfin vu. Depuis 5 ans j’entendais l’hippotame, j’entendais parler de l’hippotame mais je n’en avais jamais vu. Les chasseurs du village en avaient tué un, mais j’étais malheureusement au bord du Rhône lorsqu’ils l’ont découpé pour se partager ses côtelettes.
Et l’hippopotame restait comme un mythe merveilleux que je n’aurai jamais l’heur de voir... D’ailleurs tout était décourageant dans les dires autour de moi : il reste dans l’eau le jour, il ne sort que la nuit, il faudrait aller à l’affût dans les marais infestés de serpents et de moustiques pour avoir la chance de le croquer au Ca... Bref, pas une queue d’hippo en perspective.
Or aujourd’hui, je l’ai vu et c’était midi, et il était tranquille dans une zone de boue qui m’a empêcher de l’approcher. Le plus gros animal à l’état sauvage qu’il m’ait été donner de voir. Enfin. Après 5 ans de savane.

jeudi 18 mai 2017

le planning familial

Il ne se passe pas un mois sans que les confrères de ma communauté du Congo ne doivent résoudre un problème de relations juvéniles et de planning familial.
Voilà un papa qui a trouvé sa fille en fâcheuse posture avec un garçon du village et qui vient soumettre le cas au curé afin que celui-ci fasse le médiateur pour traiter avec la famille sur l’amende que le garçon doit payer. Dans ces cas c’est toujours la faute au garçon.
Voilà une fille qui souhaite quitter l’école pour aller au mariage et il faut lui trouver un mari et s’entendre sur la dot entre les deux familles ; seulement la fille n’est plus intacte, elle a été « déviergée » (sic) par un jeune qui nie et refuse donc de payer l’amende à la famille (par exemple : trois chèvres et deux pagnes etc, âprement négociés)...
Et ainsi de suite, et des meilleures. J’ai vu et entendu beaucoup de cas de figures, extrêmement variés. Derrière tout cela il y a bien sûr beaucoup de souffrance et de misère, mais aussi beaucoup de jalousie, de désir de nuire, d’avidité (pour, dans la dot ou l’amende, une chèvre en plus ou une poule en moins). Les gens s’endettent, la misère empire et comme le plaisir sexuel reste un des derniers plaisirs qu’on peut difficilement enlever aux pauvres, on tombe dans un cercle... vicieux !
La situation des filles est assez terrible. Il faudrait qu’elles étudient pour que leur condition s’améliore. Mais il faut déjà un certain degré de libération féminine pour se rendre compte qu’une libération par les études est nécessaire. On voit bien que beaucoup de filles ne sont à l’école que comme un pis-aller. Il y a même des écoles qu’on appelle ironiquement « j’attends-mon-mari », où il ne faut pas parler mathématiques ou géographie mais simplement « coupe et couture ». 
Comme l’assimilation de la conjugaison française laisse à désirer, on dit aussi « j’entends mon mari ! ». Ce qui est très poétique finalement. C’est une citation du Cantique des cantiques (chapitre 2, verset 8) !!


mardi 9 mai 2017

les trains (suite)

Kananga, la grande ligne qui relie les deux grandes villes du pays
RO – les trains (suite) – mai 16

Je lis dans la presse romande on-line que les CFF s’excusent pour les désagréments que les pannes et les retards ont causés à leurs clients :
« La ligne Lausanne-Villeneuve est un axe ferroviaire fort fréquenté en Suisse romande. Et ces derniers mois, ses usagers n'ont pas été épargnés. "La patience de nos clients a été mise à rude épreuve", a reconnu devant la presse à Lausanne, le chef infrastructure et membre de la direction du groupe.
Mardi, l'entreprise a indiqué vouloir intensifier "l'anticipation des risques prévus ou imprévus". Elle projette par exemple d'augmenter le nombre de tests de fonctionnement de logiciels avant leur mise en service.
S'agissant des usagers de la ligne Lausanne-Villeneuve, l'ex-régie annonce "une compensation". Un bon de voyage sera ainsi distribué aux voyageurs de ce tronçon le 15 mai et les abonnés auront également droit à un geste. »

Peut-être certains d’entre vous se demandent-ils ce qu’est devenu le train mensuel congolais dont je parlais dans ma dernière chronique.

Il n’est pas encore parti et a désormais 4 jours de retard, sur ce qui était prévu ! Il n’est pas parti parce qu’il doit traverser une zone dangereuse infestée de rebelles et il attend des renforts de troupes militaires qui viennent de Lubumbashi et emprunteront peut-être le train pour aller combattre les milices...

En attendant mon ami qui devait rejoindre son Ecole pédagogique, (avec ses camarades étudiants et même le curé du village chez qui il loge)... attend patiemment. Je ne pense pas qu’on lui donnera un bon de voyage en compensation.  




vendredi 5 mai 2017

les trains

Gare SNCC de Kananga RDC
Je lis sur Facebook des phrases désespérées et aigres d’utilisateurs de nos CFF se plaignant des 10 minutes de retard que les trains ont tendance à avoir sur le tronçon Lausanne-Genève ou Lausanne-Vevey. « Quel scandale ! Comment se faire rembourser ? »...

Ici au Congo, à la gare de Kananga, une ville de 2 millions d’habitants sur la grande transversale de communication entre les deux plus grandes villes du pays Kinshasa et Lubumbashi, arrive un train par mois environ. Quand il arrive !  Parce que souvent il est en panne quelque part et accidenté à cause du manque d’entretien des rails et de la ligne. Ou d’autre fois, en cas de pénurie de maïs ou de blé, des mafias le retiennent loin de la province avec ses chargements, pour faire monter les prix.

Il y a donc un jour dans le mois où le train arrive, mais on ne sait pas exactement quand, ni quand il va repartir. Cela dépend de nombreux facteurs, et notamment de la guerre actuelle qui rend toute chose très aléatoire.

Un de mes amis fréquente une Ecole Pédagogique perdue dans un gros village de brousse. D’habitude, après les congés, il y a allait à moto, pour une journée de route. Mais là à cause des barrages des milices rebelles et des militaires loyalistes, il est préférable de trouver une autre solution que la route. Il a pensé au train. Il s’est renseigné sur le jour de son arrivée, en allant plusieurs fois de suite à la gare pour évaluer la situation, puis lorsque le train était là, il fallut être sûr du jour (l’heure c’est moins important) de son départ, pour organiser avec ses collègues étudiants un voyage commun.


Il partira demain. Normalement car rien n’est sûr et il faut s’attendre à tout.  

les pique-boeufs

Notre colline, au cœur de la guerre du Kasaï, est calme aujourd’hui, mais les environnantes crépitent un peu. On raconte des histoires assez terribles sur les miliciens et les militaires qui se sont entretués au village de Matamba sis sur la hauteur en face de la fenêtre de ma chambre.
 Une sourde angoisse m’habite quand je me dirige vers la petite chapelle, à quelques pas de notre maison, pour la prière du soir. Là bas je serai sûr de n’être pas seul, mon Dieu y est à demeure, il ne va pas laisser la peur occuper tout le terrain. Je lui ferai de la place et il fera le ménage. Or il l’a fait avant même que j’atteigne le seuil du sanctuaire.  Les pique-bœufs m’ont offert un ballet majestueux par-dessus le gazon.
 J’avais déjà vu des pique-bœufs, mais c’est seulement cette année qu’une petite colonie est venue s’installer sur notre colline ; nous nous apprivoisons mutuellement. C’est un petit échassier du genre héron, mais très blanc avec un bec presque rouge qui lui donne son nom : on le rencontre près des troupeaux, piquant le bétail de son bec pour nettoyer les peaux de leur délicieuse vermine. Il n’y a pas de bœufs ici mais les pique-bœufs s’y trouvent bien, se perchent sur les hauteurs et sèment une innocence décontractée sur nos soucis de guerre.
 Quand je sens un souffle d’angoisse balayer mon cœur, je les regarde marcher en balançant noblement leur cou entre les herbes. Et comme un accord se fait en moi. Il est possible qu’ils aient leur guerre à eux, que des miliciens pique-bœufs chassent les soldats piques-bœufs des troupeaux. Mais ils cachent bien leur jeu et leurs vols ont plus d’allure que les allées et venues des troupes humaines qui s’écharpent à l’envi à l’entour !