mardi 27 septembre 2016

l’école maternelle

Ce matin je travaille à la « maison des Pères » mais j’entends les enfants de la maternelle réciter et chanter à tue-tête, là-bas sous le porche de l’église. La rentrée a eu lieu il y a trois semaine et notre école maternelle privée est belle et bien active, quoiqu’encore privée de locaux. Elle a des tables et des tabourets que nous sortons sous le vaste avant-toit de notre église.
C’est une sœur postulante du monastère bénédictin voisin qui donne le cours assisté d’un papa du village qui rassemble et amène les enfants (ils sont une cinquantaine actuellement de deux niveaux !)  et d’une consoeur aspirante qui prend le relais lorsque la voix faiblit, car la pédagogie de la maternelle congolaise exige de la voix.
Les buts principaux sont la socialisation et l’apprentissage de rudiments de français, alors qu’à la maison on ne parle que le tshiluba, leur langue maternelle. C’est ainsi qu’on récite et qu’on chante des phrases répétées mille fois avec des gestes et des danses, ce qui plaît beaucoup aux enfants.  La pédagogie y est rudimentaire mais relativement efficace, si la maîtresse prononce juste et ne dit pas de bêtises car les tout petits répètent à qui mieux mieux et cela s’inscruste profondément !
Petit florilège de phrases que j’entends répétées et chantées à l’infini :
«  Le matin je dis : Bonjour, papa ! Bonjour, maman, bénissez-moi. Donnez- moi du thé. Merci papa, merci maman ! Au revoir, maman, à bientôt ! »
«  A l’école, à l’école, nous apprenons comment être de bons citoyens ! Tous les garçons et les filles, comment être de bons citoyens ! »
 Mon doigt a cinq doigts
- le pouce, l’index, (et cela dérape :), la millaire (!), le majeur et le petit doigt !
 Et pour finir un soutien à l’agriculture vivrière :
« Qui a mis de l’eau dans les patates douces ! Qui a mis de l’eau dans les patates douces ! Qui a mis de l’eau dans les patates... »
... et ainsi de suite cent quarante deux fois !


jeudi 22 septembre 2016

une fête de saint Maurice sous haute tension

A l'ombre derrière les enfants, une croix de saint Maurice!
La colline au Congo a fêté, comme en Agaune, ses soldats martyrs. Dans une ambiance à la fois de fête et d’incertitude alors que la situation est explosive sur la ville voisine de Kananga et que beaucoup de nos invités n’ont pas pu nous rejoindre.
Depuis le début de la semaine, le pays est sous le choc des massacres de manifestants à la capitale Kinshasa, mais au Kasaï cette situation se double de rumeurs les plus contradictoires sur le sort de la rébellion d’un chef coutumier du sud-est de la province, donné depuis quelques semaines pour éliminé par les soldats de l’Etat. Est-il mort et ses milices vont-elles faire vengeance ? Est-il encore vivant et prépare-t-il des actions de représailles sur la ville et l’aéroport de Kananga ? Les rumeurs les plus folles concernant ces milices rebelles, composées d’enfants et de jeunes drogués et initiés à la sorcellerie, circulent partout dans notre province.
Ce matin l’arrivée en ville de quelques uns de ces « maquisards », vite interceptés par la police, aurait créé la panique et des tirs d’armes à feu. Ce fut la débandade, qui s’est soldée dans certaines écoles surpeuplées du centre par des morts et des blessés parmi les écoliers qui se seraient jetés par des fenêtres ou auraient été mortellement piétinés dans les troubles...
Sur ce monde de souffrance, de violence et d’injustice, la figure de nos soldats martyrs jette une lumière crue : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme, craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. » (évangile de Mathieu)
Fêter saint Maurice au Congo, c’est expérimenter dans sa chair et son cœur, le difficile combat des ombres sanglantes et de la Lumière vraie.

mardi 20 septembre 2016

la paix et la justice

Avant-hier un garçon du village est venu me montrer ce petit oiseau qu’il avait posé sur sa machette ! Il l’avait trouvé en débroussaillant derrière notre maison à un endroit où je projette de faire un jardin.
Tout un symbole …

Hier, j’apprends que des manifestants (plus de 31 selon Le Point international on-line ; plus de 50 selon d’autres sources) sont tombés sous les coups du gouvernement central à Kinshasa, alors qu’ils manifestaient pour une solution politique juste à la crise constitutionnelle dans laquelle est plongé le pays. C’était le 19 septembre, trois mois jour pour jour avant la fin du mandat présidentiel. Aujourd’hui la situation semble se détériorer encore


Si seulement les oiseaux pouvaient se poser, se reposer sur tout ce que le monde compte de machettes, de fusils, de révolvers, de sabres, de mitrailleuses,  de tanks, de bombardiers, de grenades, de flèches empoisonnées, de drones à têtes chercheuses, de missiles, de et de ......

dimanche 18 septembre 2016

la faim dans le monde

Il est 6h15, le jour vient de se lever, le soleil lui arrivera dans une demi-heure, rouge derrière les collines au-delà de la grande rivière. Je parcours le chemin qui relie notre maison et l’église sur la pelouse de l’esplanade, afin de descendre au monastère des bénédictines qui se trouve au pied de notre colline au bord de l’eau. C’est mon tour d’y célébrer l’eucharistie cette semaine et cette petite marche d’un kilomètre au petit matin me plaît bien...
Autour de notre église je rencontre deux enfants qui s’agitent bizarrement. Que font-ils à cette heure matinale ? Je m’étonne mais poursuis ma route.
Plus loin je suis assailli de fourmis ailées qui semblent vouloir se poser comme des folles sur moi. L’air en est plein ; par terre, je vois de grosses fourmis noires et rouges qui semblent chercher leur chemin parmi des ailes perdues. Miracle de la nature.
Il semble qu’une conjonction d’après-pluie et de petit matin est favorable à la dispersion de fourmis ou de termites (ici on ne fait pas bien la différence). C’est l’époque où les fourmis ailées quittent leurs maisons, s’envolent dans une danse bizarre, se posent au gré des zones d’atterrrissage, perdent leurs ailes et font former de nouvelles colonies. Du moins c’est mon interprétation, je ne suis pas entomologiste.
Je comprends : les deux enfants de la paroisse, que j’ai vus tout à l’heure, ont saisi cette occasion unique de se nourrir de protéines en attrapant des fourmis ailées dans une danse aussi bizarre que la leur. Je ne sais pas si c’est bon mais c’est un complément alimentaire bienvenu dont mes paroissiens raffolent, eux qui n’ont souvent qu’un repas assez maigre et peu varié par jour.  

mercredi 14 septembre 2016

la Croix de Jean-Claude

C’est aujourd’hui la fête catholique de la Croix glorieuse. Un mystère paradoxal de souffrance incompréhensible qui mène toute l’humanité vers une gloire qu’elle ne peut comprendre, ni imaginer...

Je pensais à tout cela ce matin en peignant – heureuse coincidence - une croix colorée sur la grande fresque que je crée, avec les jeunes du village, à l’entrée de notre « maison des Pères ».

Quelques moments plus tard j’apprends le décès du petit Jean-Claude. Atteint d’une méningite due à une malaria mal soignée chez sa maman, nous l’avons fait transporter d’urgence à notre hôpital de zone à 15 km. Malheureusement ce fut en vain et Jean-Claude est parti vers sa Lumière à l’âge de 7 semaines !

Je m’étais attaché à ce petit garçon car il avait eu la bonne idée de venir au monde dans notre petit poste de santé que nous avions inauguré la veille de sa naissance le 24 juillet dernier. Sa maman était arrivée dans notre local croyant que nous avions une maternité, mais non. Jean-Claude y est né tout de même.

A ce moment là j’avais écris sur ce blog : Bienvenue chez nous, petit homme, et que ta vie soit douce, ce qui n’est pas gagné d’avance, mais tu t’y es bien pris pour ton entrée en scène.


La vie de Jean-Claude fut bien courte sur cette terre, mais la Croix de Jésus lui a ouvert un espace de gloire qui durera toujours. J’y crois fermement, sinon toute cette souffrance humaine n’a pas de sens.

samedi 10 septembre 2016

le dialogue oecuménique et interreligieux

Guerre des sectes!

Affolement au village lundi matin, après une grosse pluie. Les fidèles d’une des deux « églises » branhamistes concurrentes de nos villages se sont battus à coup de machettes (ou presque) et on a fait venir des militaires pour ramener l’ordre.

Les Branhamistes sont une secte née aux Etats Unis. William Marrion Branham (1909 - 1965) est un pasteur d’origine pentecôtiste, dont les fidèles et les doctrines ont essaimé partout dans le monde et donc aussi en Afrique, particulièrement perméable à ses enseignements sur les dons de guérison et les prophéties. C’est plus une secte qu’une église, car cette communauté refuse la Trinité et le Credo chrétien minimal pour avoir (d’un point de vue œcuménique) le statut d’église.

Sur le territoire de notre paroisse végètent deux communautés concurrentes : une considère Branam comme Dieu et l’autre comme son prophète... grosso modo. Deux pasteurs ont été envoyés par les autorités de « l’église » et habitent dans deux hameaux différents. J’ai cru comprendre que les communautés déménagent parfois leurs « hangars », lieux de culte en branchages quand ils exaspèrent trop le chef coutumieur du hameau, par le désordre de leurs moments de prière...

A la prière vespérale de ce dimanche, une dame aurait prophétisé à un fidèle qui n’avait pas versé la dîme au pasteur, que lors d’un futur achat de poissons il perdrait tout son argent et se ruinerait. Cela a mis le feu aux poudres et à coup de représailles, d’invectives, d’interventions de l’autre communauté branamiste et de quidams divers, on a dû venir les militaires pour arrêter le pasteur. Pourquoi l’armée et non la police, je n’ai pas compris et personne ne parvient à me l’expliquer...

Tout ce petit monde d’excités est venu sur notre colline, peut-être pour trouver la médiation des Pères. Pour éviter une intervention judiciaire, la personne accusée et arrêtée était prête à payer chèvres et cochons aux militaires, mais cela ne suffisait pas et il a été emmené quand même. Les animaux furent considérés comme une avance pour le règlement à l’amiable...

La médiation des Pères (je suis resté à distance, pour éviter que la présence d’un Blanc ajoute au désordre !) s’est limitée à racheter à bon prix les chèvres et les cochons. En effet, soyons pratiques : pour les militaires ce prix en nature (qui est en fait une extorsion extrajudiciaire) est plus visible et moins pratique que quelques dollars au fond des poches.


(Pendant ce temps le petit gekko qui se promène sur le grillage-moustiquaire de ma chambre se dore au soleil couchant sans se demander si Branham est dieu ou prophète !)

mardi 6 septembre 2016

la rentrée scolaire (suite)

La rentrée scolaire a eu lieu le lundi 5 septembre mais au Kasaï la plupart des élèves rentrent le 12, après que les enseignants auront balayé les salles de classe ! Comme je le disais lors de mon dernier post, cette rentrée provoque des poussées de fièvres parmi les jeunes et les familles du village, pour trouver des ressources qui permettent d’assumer les achats et les taxes du début de l’année scolaire.

Voici une histoire qui agite les villageois actuellement (je n’arrive pas à savoir ce qui est vrai, mais on la raconte à qui mieux mieux !). 

Un jeune (que j’essaie d’aider financièrement pour sa rentrée) est soupçonné d’avoir volé de nombreux habits d’une de ses grands-mères (pour se faire de l’argent, peut-être pour l’école !).
La dame, exaspérée par ce vol, a convoqué les chefs coutumiers, leur a offert une poule pour qu’ils lui permettent de contacter un sorcier capable de foudroyer le coupable, et à ce sorcier d’entrer dans notre village pour faire son œuvre !
Les chefs se sont réunis pour palabrer et la pluie capable d’apporter la foudre s’est mise à tomber.
Le jeune s’est enfui (chez nous, à quelques centaines de mètres de chez lui) et tout en niant être coupable de ce vol ne veut pas aller au village s’expliquer...

Comment l’affaire va-t-elle tourner ?

Effectivement il tombe une belle pluie actuellement qui me semblait une bénédiction pour ce temps des semailles ! Porterait-elle aussi quelques germes nocifs à la vie commune dans notre paroisse ? Je ne sais que penser. Rien n’est parfait en ce bas monde.