Le soir tombe sur les collines du Kasaï. Je rentre dans ma chambre, fourbu, bien décidé à me coucher tôt ce soir. Les problèmes m’ont tenu, tenaillé et harrassé toute la journée sans un moment de répit : la messe chez les sœurs bénédictines, la visite de leur école qui nage dans les problèmes, les jeunes qui ont besoin de travail pour payer ceci ou cela, une maman qui doit se faire soigner et qui veut que je dise un mot pour elle à l’infirmier de notre poste de santé, les entreprises qui fatiguent encore plus parce qu’elle ne sont pas là que quand elles sont là, et encore, et encore. Il y a des jours où tout conspire à vous tirer le moral dans les talons.
Et puis tout à coup un moment de poésie, un moment suspendu, une respiration venue d’ailleurs comme un cadeau.
Sur le mur blanc passé de ma chambre, un petit gecko, beige, immobile sauf un frétillement au bout de sa queue, me regarde de ses grands yeux étonnés et semble me dire : « Pourquoi t’agites-tu ainsi, ce n’est pas toi qui vas sauver l’Afrique, ni le monde ! Fais au mieux, calmement et basta » Il tourne calmement sa tête vers le grand masque en bois noir sculpté qui est pendu juste à côté de lui : « Tu as l’air aussi guignol que celui-ci ! Arrête avec tes airs de grand sorcier ! » C’est vrai qu’ils sont drôles ce petit être vivant et ce masque noir avec ses grandes lèvres rouges et orgueilleuses.
Nous sourions tous les deux, le gecko et moi ; il est allé se cacher sous le masque creux. Nous allons bien dormir cette nuit.