La visite de parlementaires suisses en
Erythrée fait couler de l’encre. Au moment où la communauté érythréenne est une
des plus nombreuses parmi les demandeurs d’asile en Suisse, les échos de cette
visite sont bien sûr décryptés avec attention ... et polémique. Ont-ils pu voir ce qu’ils devaient
voir ? Ont-ils pu avoir une vision objective de la situation de la
population dans cette « Corée du Nord de l’Afrique » ?
Je ne suis pas compétent pour juger si cette
visite était opportune et féconde. Par contre je peux parler de visages, d’efforts,
de pleurs et d’espérance :
Dans la cure que j’habite, mon confrère curé
et moi-même vivons depuis Noël avec une famille érythréenne : Elsa, une
maman qui a laissé son mari soldat au pays et s’est enfuie par la Lybie et la
Méditerranée avec ses trois petits garçons : Bruk est en première primaire
(3H), Maelaf est en 2e enfantine 2H et Miki ne va pas à l’école, il
a trois ans et demi... Cette maman se démène comme elle peut. Elle doit tenir
son ménage, s’occuper de mener et de ramener ses enfants à l’école, prendre
soin de son dernier qui semble le plus perturbé par les aléas de sa courte
vie...
L’autre jour, je donnais un cours de français
à Elsa, et nous nous sommes perdus dans un exercice qui consistait à bien
déterminer la différence entre « habiter » et « s’appeler » ;
nous en sommes aux balbutiements de la langue mais les balbutiements sont
rudes... Au point qu’elle a oublié d’aller chercher son fils après la classe. Dix
minutes de retard. Elle a couru mais elle a trouvé son fils en pleurs devant
l’école...
Les problèmes de l’asile doivent se résoudre tant
au niveau des diplomates et des politiques qu’au niveau de la vie quotidienne.
Tout le monde devrait pouvoir rester et vivre sereinement dans le pays de ses pères
et tout le monde devrait se sentir concerné par ceux qui ne le peuvent pas. Les
politiques et les diplomates doivent prendre aussi des risques et la population
helvétique doit savoir que la vraie politique ce sont d’abord des visages, et
pas des « idéologies » de droite ou de gauche. Sans cela la polémique
n’a pas de sens.
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