La cathédrale de Chambéry est d’une originalité troublante. Pas très vaste, elle déploie une architecture gothique robuste et simple, presque montagnarde, pourrait-on dire. Mais par un coup de génie anonyme, son intérieur est entièrement décoré en trompe-l’œil. Chaque espace crépi est peint de volutes architecturales dans un entrelacs compliqué de dentelles et de floraisons délicates, ce qui donne à l’ensemble une élégance légère qui s’apparente au gothique flamboyant...
Je contemple tout cela en déambulant par les allées avant la messe dominicale pendant que la chorale répète la messe de la Sainte-Cécile. Arrivent peu à peu les fidèles : des gens seuls qui se saluent de connivence, quelques familles aux enfants plus ou moins endimanchés, un jeune poussant une chaise roulante sur laquelle sourit une dame immobile que viennent saluer des amis. Ici nous ne sommes plus dans le trompe-l’œil mais dans la réalité de la vie avec ses joies et ses drames réunis tous ensemble pour la louange du dimanche.
Dans le télescopage des deux réalités – l’entrecroisement des ornements des murs et le réseau des fraternités humaines - les paradoxes de l’Eglise catholique d’aujourd’hui. Souvent on déforme la réalité en l’embellissant ou en la salissant en trompe-l’œil, mais la vie est là avec ses humbles rencontres, ses tranquilles prières et son ordinaire bienfaisant. Et le cœur ne s’y trompe pas.