Martin est un vieux monsieur, hilare et
caustique, qui nous aide au potager derrière notre maison du Congo. Nous le
payons modiquement au rythme modique de son travail.
Récemment il a dû se faire opérer d’une
hernie. Après l’hospitalisation, il nous est revenu avec une incapacité de
travail pénible pendant trois mois. Il circule donc autour de notre mission en
cherchant de petits boulots faciles : réparer la courroie d’une sandale ou
le manche d’une houe...
L’autre jour, je le rencontre, il a assez
mauvaise mine, je le lui dis. Il me répond avoir faim. Ce qui n’est pas
forcément vrai mais me voilà tout de même pris au piège. Que faire ?
Je lui cherche un petit boulot pour qu’il
garde sa dignité en n’étant pas mendiant même s’il se soucie peu de cette sorte
d’éthique. Et la seule idée qui m’est venue à l’esprit, c’est de lui faire
faire des ronds de serviettes en bambou !
Le bambou de Chine pousse allégrement et
vigoureusement dans tous les coins de notre Colline. Lorsque Martin aura coupé
des rondelles dans un fût de bambou, je vais les peindre et les décorer, cela
fera de jolis ronds de serviettes ...
Tout à coup je me rends compte qu’il y a
quelque chose d’absurde dans cette histoire. Je demande à un vieux monsieur affamé
de me faire des objets qui servent à garder les serviettes qui me nettoyent les
lèvres lors de mes bons repas ensaucés ! C’est aussi absurde que les
relations actuelles entre pays riches et pays pauvres...
De cette réflexion sur les relations entre micro-
et macro-économie, Martin n’a que faire. Il va manger un peu, accroupi devant
sa petite case, grâce à l’argent de mes serviettes de table.
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