Sur le chemin de mon retour en Suisse, je passe quelques jours à Kinshasa la capitale. Hier je suis allé au centre-ville pour rencontrer Madame notre Ambassadeur qui m’a reçu de façon très suisse et très sympathique. Il faut dire qu’elle était contente de me savoir sorti de la guerre du Kasaï.
L’Ambassade est une enclave suisse au milieu
du chaos kinois et congolais.
Et c’est peu dire. Aller à l’Ambassade et en
revenir tient de l’exploit digne d’un safari urbain.
Au retour à ma pension j’ai découvert un
nouveau métier. Je connaissais les métiers de guides en haute et en moyenne
montagne, les guides de musée ou du patrimoine. Désormais je sais qu’il existe
des « guides en mare urbaine ».
Un carrefour du centre-ville de Kinshasa est
entièrement occupé par une grande mare d’eau croupissante et noire. Pour la
traverser les voitures ont besoin d’un guide qui met de l’ordre dans les transits
afin d’éviter les bouchons lacustres ; il indique les endroits
carrossables, fait éviter les bas-fonds dangereux et les trous invisibles. Le
jeune homme est en bottes et fait cela de façon tout à fait informelle, mais
lorsque notre voiture a atteint le rivage de l’autre côté, il tend
explicitement la main, on lui donne 200 FC, c’est-à-dire 0,15 CHF et tout le
monde est content. On vient de vivre une exaltante aventure, on a traversé une
Amazone citadine.
Y a-t-il des guides en traversée des mares
morales ? Je pense que oui. L’ingéniosité de l’homme est profonde. Faisons
confiance. Tout se traverse.