|
Guylaine ma filleule homonyme, et la main protectrice de son papa |
Je suis pour quinze jours à Kinshasa, la
grande métropole de 12 millions d’habitants.
Je suis accueilli dans une communauté religieuse. Mais voilà que c’est
plutôt la vie familiale des Congolais qui me saute à la figure à partir de deux
histoires qu’on me raconte et qui montrent les ambiguités crucifiantes des
traditions familiales en Afrique.
On m’avait dit que la famille est une des
valeurs essentielles de l’humanité africaine et que celle-ci avait des leçons à
donner à l’Europe. Lors du récent Synode sur la famille, les Evêques africains
ont mis en exergue les valeurs familiales de l’Afrique alors qu’elles sont de
plus en plus laminées en Europe par l’individualisme et les destructurations
idéologiques (théories du genre et mariage pour tous, par exemple).
Je crois qu’il faut se battre pour une
évangélisation de toutes les cultures familiales et ne pas idéaliser telle ou
telle d’entre elles.
Deux histoires au ras du sol africain :
Je me promène avec un confrère prêtre dans le
quartier de son couvent quand une veuve de la paroisse nous hèle et nous invite
chez elle : devant un verre de bière qu’elle a la gentillesse de nous
offrir nous discutons et en arrivons à son histoire familiale et à la grosse
rupture qu’a causée la mort subite de son mari alors que ses enfants,
adolescents, étaient aux études. Elle est fière de dire qu’avec son petit
travail d’infirmière elle a réussi à faire faire des études supérieures à ses
trois filles et à son garçon.... « Mais qu’est-ce que j’ai souffert avec
ma belle famille » dit-elle avec de l’émotion dans la voix. C’est une
coutume congolaise qu’à la mort du conjoint, les frères et sœurs du défunt
viennent prendre tous ses biens, sans s’occuper du fait que ceux-ci ont été
acquis en communauté conjugale de bien. Ainsi la veuve peut être laissée à la
rue avec ses enfants. Dans le cas précis, la famille était relativement aisée
puisqu’elle avait une grande concession et même une voiture. Le véhicule ainsi
qu’une grande partie des biens mobiliers
et immobiliers ont été pris par la belle famille et la veuve aurait été laissée
sans ressources si elle n’avait pas un travail rémunéré... C’est la tradition,
derrière laquelle se cache une accusation terrible, si le frère est mort c’est
à cause de la belle-sœur... Lorsque, plusieurs années plus tard, la fille de
celle-ci veut s’établir, la famille de son père - qui ne s’est pas occupée des
études de la nièce - veut participer au partage de la dot qui doit être élevée
puisque la fiancée a un bon niveau...
Terrible.
Une autre histoire qui ne l’est pas moins.
Au couvent, un confrère revient d’une
cérémonie de deuil. Sa sœur – en fait une cousine - vient de perdre son mari
avec qui elle s’est unie l’an dernier et qui est mort dans un accident de moto.
La cérémonie s’est déroulée dans des conditions évidemment déchirantes mais
derrière : un autre drame. En Afrique il faut toujours trouver une raison
au décès de quelqu’un, la mort n’est jamais naturelle, c’est une rupture de la
vie, c’est toujours un drame. Le jeune
couple était marié depuis quelques mois mais la jeune femme n’était toujours
pas enceinte et on s’inquiétait. Une analyse médicale a révélé que tout était
en ordre du côté de la femme et qu’il fallait peut-être examiner le côté
masculin. Mais c’est impossible. Le jeune mari poussé par ses proches est
plutôt invité à trouver une autre épouse. Qu’il trouve effectivement. Avec
cette nouvelle fille, il visite à moto la famille de celle-ci à plusieurs
dizaines de km pour s’accorder sur le contrat de ce nouveau mariage. C’est au
retour de ce voyage qu’un accident tue les deux jeunes gens... L’histoire est
racontée jusque là... mais les non-dits parlent fort.