LE DORMEUR DU VAL. Je donne mon cours de français aux finalistes de notre Lycée de la Colline.
- Aujourd’hui nous allons étudier un des plus beaux poèmes de la langue française. Est-ce que vous connaissez un poème ?- ... ?
- Maître corbeau sur un arbre perché...
- ... Tenait en son bec un fromage ! Oui, on connaît. Mais ce n’est pas un poème, c’est une récitation de Jean de La Fontaine.
- C’est une récitation, parce que c’est un des plus beaux poèmes en français. Et aujourd’hui, je voudrais qu’on étudie un autre parmi les très beaux poèmes. Il est écrit par Arthur Rimbaud et s’appelle « Le Dormeur du Val ».
- Qu’est-ce que cela veut dire « Val » ?
- Cela tombe bien, parce que c’est expliqué au premier vers, à la première ligne :
C'EST UN TROU DE VERDURE OÙ CHANTE UNE RIVIÈRE...
- Cela veut dire quoi « verdure » ?
- ... C’est une prairie sauvage, verte, avec de la pelouse et du chaume ! Je continue la lecture du poème et vous m’arrêtez aux mots que vous ne connaissez pas. ACCROCHANT FOLLEMENT AUX HERBES DES HAILLONS...
- Mon Père ! Haillons ? C’est quoi ?
- ... C’est comme le petit Albert, vous savez celui qui se promène partout sur les chemins avec des habits très sales et déchirés, ce sont des haillons !... C'EST UN PETIT VAL QUI MOUSSE DE RAYONS... Mousse... c’est comme la bière qu’on verse dans un verre. La mousse, c’est la couche de dessus qui brille dans la lumière...
- Et la neige aussi !
- !... Tu connais la neige ?
- Oui j’ai vu dans un film...
- LES PIEDS DANS LES GLAÏEULS, IL DORT.
- Les glaïeuls ?
- De belles fleurs européennes, mais il y en a qui lui ressemblent dans certaines prairies ici. Vous savez ces grandes fleurs rouges... NATURE, BERCE-LE CHAUDEMENT : IL A FROID... Pourquoi ?
-... ... J’ai l’impression qu’il ne dort pas, mais s’il a froid, il doit être très mal...
- Il est mort. TRANQUILLE. IL A DEUX TROUS ROUGES AU CÔTÉ DROIT... ?... Il est mort.
Ils me regardent tous avec de grands yeux... Un silence. Un moment magique. J’ai envie de pleurer.
(Epilogue 1 : Savez-vous que Rimbaud avait 16 ans quand il a écrit ce poème. Il était plus jeune que n’importe lequel d’entre vous !
Epilogue 2 : Kabeya, serais-tu d’accord d’illustrer le poème, dans la verdure derrière l’église... Je viens avec mon appareil photo et toi avec une machette, un polo blanc... et tu fais le Dormeur du Val...
LE DORMEUR DU VAL
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.