Je vis sur une colline miséreuse d’une
province défavorisée dans un pays sinistré, la République démographique du
Congo, (évoquée au n.38 de Laudato si). Comment
cette encyclique y est-elle reçue? Quelques impressions.
Sur l’esplanade de ma colline, entre la maison
de la communauté et l’église, je passe mon temps à enlever les papiers et
autres détritus. Je me rends compte que mes paroissiens ne les voient même pas.
Ils les enlèvent seulement lorsque je les leur montre, et surtout pour me faire
plaisir. Cela me donne à réfléchir.
La sensibilisation aux déchets, que j’ai reçue
moi-même dès l’école enfantine, est ici encore très loin des mentalités. Mes villageois
vivent dans des cases crasseuses et la plupart n’ont pas le souci (parce qu’ils
en ont d’autres, peut-être) de faire en sorte que l’espace entre leur maison et
la route soit dégagé de vieux papiers, de plastiques usés ou de boîtes de
sardines vides...
Dans l’encyclique, les pauvres sont seulement
vus comme les principales victimes du désastre écologique en cours sur notre
planète (ex. n. 20 ). Il ne fait
aucun doute que c’est vrai. Mais quand on vit dans le Sud on voit aussi qu’ils
en sont les acteurs. C’est paradoxalement leur conférer une dignité que de les rendre
responsables de l’état de leur milieu de vie. Leur impact environnemental certes
est moindre mais comme ils sont plus nombreux que les riches, cela finit par
chiffrer, et une amélioration du comportement écologique des très pauvres aurait
une influence bénéfique à ne pas négliger.
Sans doute est-ce principalement une question
d’éducation générale (merveilleusement
évoquée aux n. 209-215 !). Dès qu’on a allongé un tant soit peu ses
études, on regarde mieux, on voit mieux l’environnement avec sa profondeur dans
le passé et dans l’avenir, on devient plus sensible à la beauté de la nature et
à ce qui la dénature !
Le pape emploie comme un refrain le terme « maison
commune » pour désigner notre terre (cf.
le titre du premier chapitre !). Cette expression ouvre des
perspectives vertigineuses, d’action et de réflexion. Nous nous disons vivre
dans des pays où la démocratie entend régenter le monde. Or notre maison
commune est une demeure d’Ancien Régime. Les pauvres entassés dans des
entresols ténébreux ou dans des greniers de « chambres de bonnes »,
pendant que les riches s’ennuient dans de larges pièces lumineuses au premier
étage, avec dorures et lustres inutiles. Et dans ces pièces magnifiquement
entretenues, ils tiennent salon ... sur l’écologie !